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Résultats des élections à l'Assemblée nationale et aux Assemblées provinciales du Pakistan

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Résultats des élections à l'Assemblée nationale et aux Assemblées provinciales du Pakistan
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Les élections à l'Assemblée nationale et aux Assemblées provinciales du 18 février au Pakistan ont apporté quelques bonnes nouvelles qui donnent une image plus positive de la situation au Pakistan. Mais les incertitudes restent nombreuses.

1) De bonnes nouvelles :

Ces élections ont eu lieu d'une façon que l'on peut considérer comme correcte. On pourrait certes faire valoir que la participation électorale a été faible. Officiellement, elle s'est établie à 44,6% des électeurs inscrits, mais l'examen des votes, circonscriptions par circonscriptions, laisse penser que la participation a été, en fait, inférieure à ce chiffre. Dans les régions " à problèmes ", comme le Baloutchistan et les territoires tribaux à la frontière avec l'Afghanistan, la participation a été inférieure à 20%. Il est vrai également que ces élections ont été ternies par des violences qui ont coûté la vie à au moins 14 personnes. Mais cette violence n'est pas une spécificité pakistanaise. On la retrouve dans les élections dans tous les pays de l'Asie du Sud, y compris en Inde. Enfin, il ne fait pas de doute que de nombreux candidats de tous les bords de l'échiquier politique n'ont pas hésité à recourir à des pratiques frauduleuses dès lors que l'occasion leur en était donnée et les résultats sont contestés dans un nombre non négligeable de circonscriptions. Mais le point fondamental est que le président Musharraf, les principaux partis politiques et toutes les autorités du pays ont accepté comme légitime le résultat global des élections et cette appréciation n'est contestée par personne, y compris les observateurs internationaux qui les ont surveillé. Un tel consensus est suffisamment rare dans l'histoire du Pakistan pour être souligné.

Ces élections ont donné un résultat incontestable et incontesté : il y a deux vainqueurs et un vaincu. Les vainqueurs sont le Pakistan People Party (le PPP) le parti de Benazir Bhutto et la Pakistan Muslim League (N)[1] dirigé par l'ancien Premier Ministre Nawaz Sharif. Le PPP obtient 113 sièges sur les 342 sièges de l'Assemblée nationale[2], une quasi-majorité dans l'assemblée du Sindh, et une présence significative dans les trois autres assemblées provinciales. Il est le seul parti ayant une implantation véritablement nationale. Toutefois, ses résultats sont inférieurs à ses attentes et il n'a obtenu qu'environ un tiers des votes exprimés. La PLM (N) obtient 84 sièges à l'Assemblée nationale, il est de loin le premier parti dans l'assemblée du Punjab. Il est absent ou quasi absent dans les autres provinces. Ses résultats sont supérieurs à ce qui était attendu. Il a bénéficié de la forte personnalité de son chef, alors que la vague de sympathie suscitée par l'assassinat de Benazir Bhutto n'a pas suffi à cacher les faiblesses de sa direction actuelle.

Le vaincu est le parti qui soutenait le Président Musharraf, la PML (Q) et donc par implication, le Président Musharraf lui-même. Leur défaite est sévère. Le PML (Q) arrive en troisième position à l'échelon national avec 55 sièges sur 342. Dans l'Assemblée provinciale du Pundjab, son fief traditionnel, il est largement dépassé par la Pakistan Muslim League (N) de l'ancien Premier Ministre Nawaz Sherif qui arrive en tête, mais aussi par le Pakistan People Party (PPP) dont la base électorale traditionnelle est pourtant dans le Sind. Vingt-deux ministres fédéraux du gouvernement au pouvoir ont été battus et les principaux dirigeants de ce parti ont été éliminés. Dans la mesure où le PML (Q) était totalement assimilé au Président Musharraf, et que ces élections ont été volontiers considérées comme un référendum sur sa gestion, cette défaite est aussi et d'abord celle du Président Musharraf.

Enfin, les partis religieux plus ou moins regroupés dans le Muttahidda Maslis-e-Amal (MMA) ont été balayés. Non seulement, ils n'obtiennent que 7 sièges à l'Assemblée nationale, mais ils sont, de plus, quasi éliminés dans l'Assemblée provinciale de la North Western Frontier à Peshawar, avec 8 sièges, contre 29 sièges à l'Awami National Party, le parti traditionnel autonomiste de la région et 18 sièges au PPP. Le MMA constituait jusqu'à maintenant le gouvernement dans cette province. Le MMA passe également de 12 à 7 sièges au Baloutchistan, province dans laquelle il était associé au gouvernement provincial en coalition avec le PLM (Q).

2) De nombreuses incertitudes subsistent, qui se résument en deux questions :

Que vont faire les vainqueurs de leur victoire ?

M. Zardari, le veuf de Mme Bhutto qui copréside[3] le PPP, préconise un gouvernement de large union nationale. D'ores et déjà, le PPP et la PML (N) ont décidé de gouverner ensemble au centre et dans les quatre provinces. Ils s'adjoigneront l'Awami National Party qui a gagné 14 sièges à l'Assemblée nationale mais qui est le premier parti au sein de l'Assemblée provinciale de la North Western Frontier Province. Ces trois partis disposeraient à l'Assemblée nationale d'une large majorité, mais pas de la majorité des deux tiers[4] qui leur permettrait de renvoyer le président Musharraf (procédure d'impeachment) et de modifier la Constitution. M. Zardari souhaiterait encore élargir cette majorité en y associant le Muttahida Quami Movement (MQM) ou Mouvement de l'Unité Nationale, le parti qui représente les musulmans ayant quitté l'Inde après la partition et qui est très puissant à Karachi (19 sièges dans l'Assemblée nationale). Ce parti, qui était un allié fidèle de la PML (Q) et du Président Musharraf jusqu'aux élections, n'a pas décliné cette proposition. Il est connu pour son " pragmatisme ", c'est-à-dire sa propension à être toujours du côté du pouvoir. A eux trois et avec le mouvement en cours des 33 " indépendants " vers les deux partis gagnants, la majorité des deux tiers devient possible.

Pour le moment, le programme politique de cette coalition est très flou. Le PPP et la PML (N) s'en tiennent à la Charte pour la Démocratie que Benazir Bhutto et Nawaz Sharif avaient signé ensemble le 15 mai 2007. Pour l'essentiel, ce document prévoit une réforme de la Constitution qui limiterait considérablement les pouvoirs du Président qui ne pourrait plus renvoyer le Premier ministre et dissoudre le Parlement, et une normalisation du rôle de l'armée (dissolution du Conseil de Sécurité Nationale, subordination de l'armée au Premier ministre). Le choix du prochain Premier ministre n'est pas encore fait, même si aujourd'hui, M. Zardari, qui avait il y a quelques semaines exclu cette possibilité, parait bien placé. Le premier Vice-Président du PPP, M. Makhdoom Amin Fahim, est également souvent mentionné.

La question la plus brûlante à trancher est le sort de l'ex Président de la Cour Suprême et de la soixantaine de juges qui ont été limogé pendant la courte période de l'état d'urgence (novembre/décembre 2007) grâce a des " Ordres " du Président Musharraf auxquels il a conféré, de sa seule autorité, une nature constitutionnelle. Les juges renvoyés et derrière eux tout le mouvement populaire qu'ils ont su susciter et qui se manifeste à nouveau, estiment que la proclamation de l'état d'urgence était en soi illégale. Par conséquent, la réinstallation des juges renvoyés et le rétablissement de l'indépendance de la justice pourraient être décidés par une simple loi. C'est également la position de M. Nawaz Sharif, qui en a fait un point fondamental de son programme politique, alors que celle du PPP était jusqu'à maintenant beaucoup moins radicale[5]. Les deux leaders seraient, cependant parvenus à un accord mais dont ils n'ont pas donné le contenu.

Que peut faire le Président Musharraf ?

Le Président est sorti très affaibli des élections et l'appréciation de sa marge de manoeuvre est peine d'incertitudes.

La première incertitude, et la plus importante, porte sur l'appui que l'armée est prête à lui apporter. Le nouveau chef d'Etat major des armées, le général Kiyani, bien que récemment nommé par le Président Musharraf et réputé proche de lui, semble déterminé à " faire rentrer l'armée dans les casernes ". Mais ce retour à la neutralité ira-t-il jusqu'à accepter que le Président soit contraint de laisser sa place ?

La seconde incertitude porte sur le degré de détermination du PPP à se débarrasser du Président. De ce point de vue, le traitement de l'affaire des juges sera éclairant. La réinstallation de la Cour Suprême antérieure à l'état d'urgence conduirait presque inévitablement au départ du Président, puisqu'il ne fait guère de doute que la Cour se saisira à nouveau de la question de la constitutionnalité de l'élection présidentielle d'octobre 2007 et qu'elle conclura à son annulation. C'est d'ailleurs parce qu'elle s'apprêtait à prendre cette décision que le Président l'a " recomposé " pendant l'état d'urgence. Le PPP pourrait être tenté de choisir une stratégie moins frontale, par exemple en demandant un engagement des juges réinstallés de ne pas rouvrir le dossier de l'élection présidentielle. Le PPP peut en effet avoir intérêt au maintien du Président qui pourrait devenir un allié utile en cas de rupture avec son partenaire actuel, le PML (N).

La troisième incertitude porte sur la solidité de l'alliance entre le PPP et la PML (N). Si elle tient, le Président Musharraf est à peu près totalement marginalisé et devra partir tôt ou tard. Mais ces deux partis se sont confrontés, parfois très violemment, tout au long de leur histoire. M. Sharif a commencé sa carrière politique comme un proche allié du Général Zia ul Haq, le dictateur qui a fait pendre Zulfikar Ali Bhutto. Il a largement contribué en 1997 à faire mettre en prison pour corruption M. Zardari qui y est resté jusqu'en 2004. Leur rapprochement actuel apparaît largement tactique. De plus, le rapport de force entre les deux partis vainqueurs, pour le moment favorable au PPP, peut évoluer. M. Sharif s'active en effet, avec un certain succès, à convaincre les députés de la PLM (Q) de rejoindre la PML (N) afin de reconstituer une PML réunifiée.

La stratégie du Président Musharraf est donc de gagner du temps, d'empêcher autant que possible que les pouvoirs constitutionnels du Président soient rognés, d'attendre que les alliances actuelles se défassent et que la popularité des partis vainqueurs s'érode. Il pourrait alors reprendre l'initiative. C'est le scénario que le Président du PML (Q) vient de décrire dans la presse, en toute transparence, pourrait-on dire.

Les élections du 18 février ont été une heureuse surprise. Une nouvelle image du Pakistan est apparue, bien différente de celle d'un pays au bord de l'effondrement qui était dominante en Occident. Mais la route du Pakistan vers une vie politique apaisée et démocratique est encore longue et les risques d'accidents, les risques internes (retour aux antagonismes d'antan dans la classe politique, regain du terrorisme, interventions de l'armée) comme les risques externes (fausses manœuvres dans les relations avec l'Inde, l'Afghanistan et les Etats-Unis) restent considérables.

Olivier Louis est chercheur et responsable du programme Inde du Centre Asie Ifri.

 


[1] Rappelons que la Pakistan Muslim League, créée par le fondateur du Pakistan, Mohammed Ali Jinnah surnommé le Quaid-e-Azam a éclaté en plusieurs factions dont les plus importantes sont la PLM (Q pour Quaid-e-Azam) qui soutenait le président Musharraf et la PLM (N pour Nawaz) qui est dirigé par Nawaz Shérif, ancien Premier Ministre et un opposant très virulent au Président Musharraf

[2] L'Assemblée nationale comprend 342 sièges. 272 sont pourvus directement au scrutin uninominal à un tour. 60 sont réservés aux femmes et 10 aux minorités religieuses (hindous, chrétiens etc.). Ces 70 sièges réservés sont répartis entre les partis politiques à la proportionnelle des sièges qu'ils ont obtenus au Parlement par le scrutin direct. Les élections n'ont pu se tenir dans quatre circonscriptions (décès d'un des candidats ou violences). Elles feront l'objet d'élections partielles dans les prochaines semaines. Enfin, la Commission électorale pourrait ordonner un certain nombre de recomptage des bulletins ou d'élections partielles dans les circonscriptions où des fraudes sont avérées. Les résultats peuvent donc encore changer mais à la marge.

[3] L'autre coprésident est le fils aîné de Mme Bhutto qui est trop jeune pour participer à la vie politique. Il poursuit ses études à Londres.

[4] La majorité des deux tiers est calculée sur l'ensemble des sièges des deux chambres du Parlement, l'Assemblée nationale avec ses 342 sièges et le Sénat avec ses 100 sièges. Le Sénat n'a pas été renouvelé et est toujours contrôlé par le PML (Q), le parti du Président Musharraf. La majorité des deux tiers est de 255 voix.

[5] Le PPP, et en particulier M. Zardari, craint que l'ordonnance de réconciliation, prise par M. Musharraf, soit également déclarée illégale. Or c'est cette ordonnance qui amnistiait le couple Bhutto des accusations de corruption qui pesaient sur lui.

 

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978-2-86592-255-0

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