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Visite d’Emmanuel Macron en Chine : la stabilité du détroit de Taïwan, une priorité pour la France

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Le président Emmanuel Macron se rend en Chine du 4 au 8 avril pour la première fois depuis 2019 et cinq mois après son entretien avec le président chinois Xi Jinping, en marge du sommet du G20 à Bali.

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Emmanuel Macron et Xi Jinping, cérémonie d'accueil au Grand Palais du Peuple, Pékin - 6 novembre 2019
Emmanuel Macron et Xi Jinping, cérémonie d'accueil au Grand Palais du Peuple, Pékin - 6 novembre 2019
Crise des réfugiés en Allemagne
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Emmanuel Macron a convié dans son voyage la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, poursuivant la ligne très cohérente depuis son premier mandat d’inscrire la relation bilatérale franco-chinoise dans le cadre européen. En mars 2019, le président français avait déjà invité Angela Merkel et Jean-Claude Junker alors qu’il recevait Xi Jinping à l’Élysée. Il avait également emmené avec lui un commissaire européen et une ministre allemande lors d’un déplacement en Chine en novembre 2019.

La nouvelle ligne européenne à l’égard de la Chine

La présence d’Ursula von der Leyen dans ce voyage prend une tout autre couleur depuis son discours du 30 mars, fort et sans concession sur la Chine. Ce discours semble marquer une nouvelle étape historique dans la politique chinoise de l’Union européenne (UE), depuis un rapport de la Commission en 2019 qui qualifiait la Chine de « partenaire, compétiteur et rival systémique ». Si le triptyque s’applique toujours aujourd’hui, le discours de Mme von der Leyen fait nettement pencher la balance du côté de la rivalité systémique, prenant acte d’une radicalisation du pouvoir chinois, de la fin des réformes économiques et d’une posture agressive sur la scène internationale.

Cette nouvelle ligne plus lucide est sans doute assez éloignée de l’approche encore très conciliante privilégiée par Emmanuel Macron à l’égard de la Chine. Aussi, le discours d’Ursula von der Leyen, ainsi que les déclarations qu’elle sera amenée à prononcer à Pékin, risquent de mettre en avant la pusillanimité de la position française. M. Macron et Mme von der Leyen s’accordent néanmoins sur un principe important, celui d’engager une politique de « réduction des risques » (derisking) liée à l’exposition de l’économie européenne vis-à-vis de certaines dépendances à la Chine. Le derisking est une alternative à l’approche plus radicale du « découplage » (decoupling) avec la Chine, promue par les États-Unis. De ce fait, l’UE ne s’aligne pas derrière la position plus offensive de Washington, mais privilégie une approche défensive de réduction de la dépendance à la Chine.

Comprendre la position de la Chine sur l’Ukraine

Dès novembre 2022, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir porter la question ukrainienne auprès du président Xi lors de sa visite d’État, espérant engager ce dernier à jouer un rôle de médiateur dans le conflit. Il s’agit là d’une mécompréhension de la position de la Chine sur l’Ukraine, que l’on a d’ailleurs observée chez d’autres dirigeants européens, notamment le chancelier allemand Olaf Scholz et le président du Conseil européen Charles Michel lorsqu’ils se sont rendus à Pékin respectivement en novembre et décembre 2022.

« La Chine peut jouer à nos côtés, j'en suis convaincu, un rôle de médiation plus important dans les prochains mois. », Emmanuel Macron, Bali, 16 novembre 2022[1].

Pour rappel, la Chine entretient une posture à la fois constante et contradictoire depuis le début du conflit : côté face elle revendique sa neutralité, promouvant les pourparlers de paix et le cessez-le-feu ; côté pile elle ne prend aucune initiative concrète pour créer les conditions de ces pourparlers, elle ne reconnaît pas l’agression russe et n’a toujours pas daigné répondre aux multiples demandes de dialogue du président Volodymyr Zelensky.

La Chine soutient la Russie. C’est un soutien politique, mais non militaire, car un tel soutien n’est pas pour l’heure dans l’intérêt de Pékin : l’Ukraine n’est pas sa guerre. L’intérêt de Xi aujourd’hui est d’afficher un front idéologique uni avec la Russie, utile à sa propre rivalité stratégique avec les États-Unis, sans remettre en question son narratif de neutralité, ni s’exposer à des sanctions.

Partant de ce constat, on comprend qu’il ne faut pas compter sur la Chine pour jouer le rôle de médiateur dans la guerre d’Ukraine. D’ailleurs, elle n’en montre aucun signe. La position en 12 points du gouvernement chinois, publiée le 24 février, prétendant proposer une « solution politique à la crise ukrainienne », n’avance factuellement aucune piste concrète. De plus, on imagine mal comment Pékin pourrait constituer un médiateur acceptable pour Kyiv, sans reconnaissance de l’invasion de l’Ukraine.

Le mythe de la Chine comme médiatrice a vraisemblablement fait long feu depuis la visite en grande pompe de Xi Jinping à Moscou en mars. La démonstration de l’« amitié » entre Xi et Poutine a fait tomber toute ambiguïté sur la « neutralité » chinoise. Au point que, en Europe, certains sont passés – assez brutalement – de la perception d’un Xi Jinping médiateur potentiel, à un Xi Jinping potentiel fournisseur d’armes à la Russie. Il s’agirait donc désormais non plus de convaincre Xi de jouer le médiateur, mais de le dissuader de franchir le Rubicon du soutien militaire. Dans un cas comme dans l’autre, cela semble peine perdue.

Il en va de même de la question des armes nucléaires tactiques que Vladimir Poutine a annoncé déployer en Biélorussie. Ce geste contrevient totalement à la doctrine chinoise, qui s’oppose au déploiement d’armes nucléaires dans des pays tiers. Toutefois, la doctrine nucléaire chinoise n’engage que la Chine, et Pékin ne se mêle pas de celle de Moscou.

Que les Européens voient une contradiction dans la posture chinoise et une opportunité pour engager Pékin à faire pression sur Moscou serait, là encore, mécomprendre la relation sino-russe. Leur partenariat repose non pas sur un alignement de leur politique étrangère, mais sur le respect des positions de chacun, quand bien même certaines positions de l’un seraient contraires à celles de l’autre.

Un dossier prioritaire : Taïwan

Le président Macron aura raison de porter ces sujets auprès du président chinois, car ce sont des sujets prioritaires pour la France et il est important de tenir Pékin comptable de ses engagements et de ses contradictions. Mais il ne faut pas attendre de résultat sur ce front.

Il existe un autre dossier de prime importance pour la France qu’Emmanuel Macron aurait intérêt à mettre sur la table, et sur lequel il pourrait même obtenir certains résultats : la stabilité dans le détroit de Taïwan.

Bien sûr, c’est un sujet sensible pour Pékin qui considère Taïwan comme ses « affaires intérieures ». Toutefois, il ne fait aucun doute qu’une crise dans le détroit, quel qu’en soit le responsable, aurait des conséquences directes et significatives sur les entreprises et l’économie françaises et européennes. C’est pourquoi il est légitime et nécessaire de faire part au président chinois de la vive préoccupation de la France quant à la montée des tensions dans le détroit de Taïwan ainsi que de la nécessité pour l’ensemble de la communauté internationale (et donc pour Xi lui-même) de maintenir la stabilité et le statu quo.

L’expression de cette vive préoccupation servirait deux intérêts français. D’une part, elle permettrait de rappeler à Xi Jinping que, quel que soit le statut de Taïwan, une crise serait fatalement internationale et que les puissances voisines et européennes seraient contraintes de réagir d’une manière ou d’une autre pour sauvegarder leurs intérêts. D’autre part, exprimée publiquement, cette prise de position renforcerait la fragile crédibilité de la France dans l’Indo-Pacifique. En effet, se revendiquant puissance de l’Indo-Pacifique, la France ne peut rester sourde et muette sur l’enjeu de sécurité le plus décisif de la décennie, pour la région et pour l’ordre mondial. Il en va de sa crédibilité auprès de ses alliés, de ses partenaires dans l’Indo-Pacifique et de ses partenaires européens, dont la plupart mettent à jour leur politique chinoise, y compris la Commission. En tant que puissance majeure de l’UE et membre du Conseil de sécurité des Nations unies, la France se doit, pour demeurer crédible, de promouvoir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan.


[1]. « Propos liminaire du président de la République », conférence de presse en marge du sommet du G20 à Bali, 16 novembre 2022, disponible sur : www.elysee.fr.

 

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979-10-373-0691-3

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Marc JULIENNE

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