La transition énergétique face au défi des métaux critiques
Si les flux, les gisements et les cours des énergies fossiles alimentent une part importante de l’analyse géopolitique, la réflexion est moins développée concernant les énergies renouvelables. Pourtant, les perspectives de développement de ces énergies (elles ont représenté près des deux-tiers des capacités de production électrique ajoutées en 2016), invite à considérer de nouvelles vulnérabilités, liées à la disponibilité des métaux critiques, notamment des terres rares, nécessaires aux éoliennes, aux panneaux photovoltaïques et aux dispositifs de stockage d’énergie.
Les enjeux sont ici géopolitiques, économiques, environnementaux, et sont dramatisés par une géographie de la production resserrée autour de quelques pôles producteurs (Chine, Amérique latine, Australie, Congo principalement).
Le rôle de la Chine en particulier retient l’attention en raison des restrictions aux exportations de terres rares qu’elle applique et compte tenu des investissements qu’elle consent dans le monde pour s’assurer un approvisionnement garanti en plusieurs métaux critiques ainsi que dans les autres maillons de la chaîne de valeur des technologies bas carbone. Ainsi, la Chine est un acteur dominant comme producteur et comme consommateur de métaux critiques : elle représente 88 % de l’offre et 58 % de la demande pour les seules terres rares. Elle représente également 60 % de la capacité mondiale de production de cellules photovoltaïques et 50 % de la capacité mondiale de production d’éoliennes.
La notion même de criticité prête toutefois à discussion tant l’équilibre entre l’offre et la demande varie selon les métaux considérés et évolue au fil du temps. Pour l’ensemble de ces ressources, la grille de lecture adaptée à la géopolitique des hydrocarbures ne vaut que partiellement. Si la géographie de la production est le plus souvent concentrée, la volatilité des cours, les enjeux éthiques et environnementaux, les stratégies d’investissement des acteurs publics et privés hors de leurs pays d’origine, les évolutions technologiques constituent autant de variables à prendre en considération. Le scénario d’une forte hausse de la demande en métaux induite par la montée en puissance des énergies renouvelables paraît avéré. Si la production de ces métaux va devoir fortement croître, il est difficile d’établir s’il y aura des pénuries ou des mouvements haussiers sur les prix tels qu’ils remettent en cause l’expansion très forte des énergies renouvelables. Mais la concentration de ces ressources entre les mains de sociétés chinoises, souvent étatiques, confère à la Chine un avantage comparatif certain dans le développement de la chaîne industrielle et la commercialisation de ces biens. Des tensions sur les prix liées à l’offre ou à des manipulations des marchés sont à prévoir.
Les convergences affichées entre l’Union européenne (UE) et la Chine en matière de lutte contre le changement climatique sont apparues plus clairement que jamais à la lumière de l’annonce du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Cette communauté d’intérêt avérée ne doit toutefois pas occulter une différence de perception et de stratégie. Si l’UE se préoccupe des conséquences du changement climatique pour la planète, la Chine, elle, s’emploie avant tout à réduire la pollution de ses villes et à détenir les technologies afférentes pour accaparer au maximum la chaîne de valeur des énergies renouvelables.
À défaut de pouvoir relancer une exploration minière ambitieuse, l’UE doit ici investir dans des matériaux alternatifs et dans la constitution de filières de recyclage pour que la transition énergétique ait des retombées tangibles en termes d’emplois industriels sur son territoire.
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