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Après le boom de l’éolien offshore en Europe : quelles conditions pour un redémarrage ?

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La filière de l’éolien en mer connaît aujourd’hui, comme bien d’autres, des difficultés majeures consécutives à la double crise du Covid-19 et de la guerre en Ukraine, sur le fond des tensions sur les chaînes d’approvisionnement et des difficultés des fournisseurs d’équipements, des pressions inflationnistes, mais également des éléments plus techniques comme le design des appels d’offre par les gouvernements et l’importance des critères non-relatifs aux prix.

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Parc éolien offshore avec des câbles sous-marins
Parc éolien offshore avec des câbles sous-marins
(c) Vismar UK/ Shutterstock
Corps analyses

Ces crises, d’un secteur où l’Europe disposait d’un savoir-faire unique au monde, interviennent au moment où Bruxelles et les Etats membres entendent accélérer le déploiement de l’éolien offshore pour atteindre des objectifs qui mobiliseraient environ un millier de milliards d’euros d’investissements. Derrière des objectifs si ambitieux et au-delà de la question des financements, de multiples défis se dressent quant à la nécessité de développer des connexions électriques sous-marines à haute tension et par conséquent un cadre réglementaire approprié. Cela comprend également l’impératif de l’accélération des procédures de délivrance des autorisations, la coordination entre les Etats partageant le même bassin marin, mais aussi la coordination et coopération entre les acteurs du secteur maritime, ainsi que l’intégration des enjeux de protection des écosystèmes et d’acceptabilité publique.

Une nouvelle voie est à trouver si l’Europe continue de vouloir faire de l’éolien offshore une des pierres angulaires de sa transition énergétique. Une erreur qui a été commise, au travers des systèmes d’appels d’offre actuels de simple mise en concurrence des producteurs, est d’avoir oublié le volet industriel. Les pouvoirs publics n’ont pas tenu compte, d’un côté de l’immaturité du secteur, et de l’autre des énormes implications en termes d’investissements pour les fabricants et dans les infrastructures pour les entités publiques. L’illusion d’une filière très performante, permettant d’atteindre des coûts de production très bas au regard des résultats de certains appels d’offre a été entretenue par des circonstances très favorables de prix bas des matières premières et surtout de taux d’intérêt particulièrement bas. La crise ukrainienne aura complètement dissipé cette illusion et implique une remise à plat de la politique de développement actuelle.

Une condition nécessaire au redémarrage de la filière passe par une reprise en main par les Etats. La décision de fixer une taille limite aux turbines ne peut se faire qu’à ce niveau car elle relève à la fois :

- de la politique industrielle qui devra décider la taille optimum à retenir (10 MW, 12 MW, 15 MW, … ?) en fonction de critères technico-économiques, de disponibilités de ressources (cuivre, acier, terres rares, …) mais aussi de ressources en personnel compétent, de capacités de financement, etc. Cela passe par un dialogue constructif avec les constructeurs ;

- de la politique de formation, les compétences dans le secteur faisant cruellement défaut (et plus généralement dans tous les secteurs de la transition énergétique) ;

- du développement des infrastructures portuaires qui va de pair avec la normalisation de la taille des navires ;

- du développement du réseau électrique ainsi que du parc de production (il convient de rappeler que l’éolien offshore est une énergie intermittente qui nécessite l’adjonction de moyens de back-up pour assurer la production d’électricité les jours sans vent).

Un tel plan n’est pas sans comporter des analogies avec celui que la France avait conçu dans les années 1970 pour développer son parc nucléaire. Les capacités en jeu sont même beaucoup plus importantes dans le cas de l’éolien offshore si on les prend à l’échelle européenne (300 GW contre 63 GW). Ces technologies sont différentes mais ont en commun d’être capitalistiques, de devoir profiter d’infrastructures industrielles, de voir leur développement articulé avec celui du réseau électrique. Les années 1950 et 1960 ont vu les filières se concurrencer (graphite-gaz, eau lourde, eau légère sous pression ou bouillante, …) et la standardisation du parc français s’est faite suite au choix d’une technologie éprouvée. S’il semble exclu d’avoir recours à une seule technologie et un seul opérateur dans l’éolien offshore, l’Etat doit favoriser l’articulation entre les acteurs industriels et les opérateurs, ce qui a constitué un des facteurs de succès du plan français. L’implication forte de l’Etat avait permis de lever les fonds nécessaires et très importants dans des conditions financières intéressantes et d’assurer ainsi la maîtrise des Levelized Cost Of Energy (LCOE).

L’Europe doit réagir en endossant des habits de stratège et agir en architecte industriel. Dans cet esprit, ce briefing émet quelques recommandations :

- La conception des appels d'offre doit être revue afin de prendre en compte des critères non relatifs aux prix comme l’impact sur l’environnement, la résilience du projet à divers aléas, la valeur ajoutée locale, son exposition à des cyberattaques, etc. Le poids donné à ces critères hors-prix pourrait être fixé à 30% ;

- Corollairement, améliorer l'ecodesign des éoliennes pour faciliter leur amélioration durant leur vie économique ("repowering”), pour permettre des mises à niveau, un recyclage plus facile notamment des pales, pour alléger le poids des matériaux, etc.

- Examiner la possibilité d’une indexation sur l’inflation des prix plafond dans les appels d'offre, en intégrant que ce mécanisme peut auto-entretenir l’inflation ;

- La planification maritime par les autorités doit donner plus de visibilité sur la disponibilité des surfaces et désamorcer à l’avance les conflits d'usages ;

- Les procédures de “permitting”, y compris pour les réseaux, doivent être accélérées pour réduire les délais et éviter l'obsolescence des technologies ;

- Aider au financement des projets de fabrication des composants en les mutualisant pour profiter des effets d’échelle et pouvoir emprunter avec des taux d'intérêt plus bas grâce à des garanties étatiques ;

- S'assurer qu'il y existe bien un “level playing field” en matière de concurrence avec des producteurs de composantes chinois ;

- Déployer une véritable stratégie pour les ports et la flotte de navires afin de mutualiser au mieux ces infrastructures stratégiques ;

- Analyser les besoins industriels en matière de câbles et autres produits de haute tension et de transformation et soutenir la standardisation de la demande en ces produits afin de permettre des économies d’échelle et l’accélération du rythme de production, tout en travaillant de manière concertée sur leur éco-conception pour faciliter le recyclage à terme, ainsi que sur l’approvisionnement en matières premières clés, notamment l’aluminium et le cuivre.

- Mettre en place une véritable politique de formation, et ceci le plus en amont possible, en intégrant le fait que les compétences nécessaires à l’éolien en mer sont souvent communes avec les autres secteurs de la transition énergétique qui en manquent également cruellement ;

- Une attention particulière doit être apportée aux compétences dans le numérique et l’intelligence artificielle afin d’être en mesure de se protéger contre les cyberattaques mais aussi d’optimiser le fonctionnement intermittent de ces machines complexes et leur intégration au réseau.

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979-10-373-0766-8

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Après le boom de l’éolien offshore en Europe : quelles conditions pour un redémarrage ?

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Énergie et Climat
Centre énergie et climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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