Les coalitions partisanes en Turquie avant l’AKP, une culture politique inaccomplie
Les élections turques de 2023, un double scrutin présidentiel et parlementaire, coïncident avec le 100e anniversaire de la République fondée par Mustafa Kemal. Depuis la révision constitutionnelle de 2017, le régime parlementaire a été aboli en Turquie au profit d’un présidentialisme fort, faisant de l'élection présidentielle le moment charnière de la politique turque.
Cette élection se fait au suffrage universel seulement depuis 2014, et le système partisan s’adapte progressivement à ces nouvelles conditions. L’alliance de l’opposition s’est ainsi pour la première fois mise d’accord en 2023 sur un candidat commun.
Les alliances en vue des élections législatives ont en revanche une longue histoire en Turquie, qu’il convient de rappeler pour raisonner sur la dynamique présente. Nous nous intéresserons ici aux périodes où la vie politique turque a été dominée par des coalitions gouvernementales, depuis l’avènement du multipartisme à la fin des années 1940, jusqu’au triomphe du Parti de la justice et du développement (AKP) en 2002. Le parti de Recep Tayyip Erdoğan gouverne seul depuis cette date, sans avoir besoin de partenaires de coalition au sein du gouvernement, et en se présentant justement comme le garant de la stabilité du pays face au risque du désordre associé à ces dernières.
Il s’agit alors de saisir les raisons de l’instabilité gouvernementale au temps des coalitions, plus particulièrement dans les années 1970 et 1990. Trois grandes explications émergent : la fragmentation partisane du champ politique, sa polarisation idéologique, et enfin les défaillances du cadre institutionnel parlementariste. Ce bilan critique des coalitions ne doit cependant pas occulter leur apport dans le cadre d’une réflexion sur l’approfondissement démocratique. Les gouvernements multipartites permettent un partage du pouvoir dans les sociétés divisées et préviennent les dérives autoritaires. La mise en place d’un régime hyper-présidentiel en Turquie a progressivement marginalisé ce débat, qui ressurgit en 2023 grâce aux efforts de l’opposition pour s’unir et au souhait qu’elle exprime de revenir au parlementarisme.
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