Quel cadre pour un partenariat énergétique et climatique Europe-Afrique gagnant-gagnant ?
Les tensions Nord-Sud sont exacerbées alors que les Européens et les Africains traversent tous deux une période de troubles sans précédents. Les polycrises européennes (géopolitiques, énergétiques, économiques) font échos aux vulnérabilités systématiques renforcées par les chocs externes que subissent les Etats d’Afrique subsaharienne (pandémie, inflation et pénuries, remontée brutale des taux d’intérêt, assèchement des liquidités).
A une différence près : quand les Européens sont perdants mais restent riches, la plupart des Subsahariens voient la perspective d’atteindre les objectifs onusiens de développement durable (ODD) s’éloigner à nouveau dangereusement, alors que le changement climatique est déjà dévastateur.
A une période marquée par un dialogue de sourds et une montée des récriminations et malentendus de part et d’autre succède désormais une phase d’écoute, de coordination et de coopération pour des actions très concrètes à très fort impact. La transition énergétique européenne et la remise en selle de l’Afrique subsaharienne vers l’atteinte des ODD ont besoin de s’appuyer sur des partenariats multiples et gagnants-gagnants entre Européens et Africains. Il est urgent de changer la donne, en replaçant le développement au cœur des actions et de transformer ce marathon interminable en course contre la montre pour enfin parvenir à atteindre les ODD. Une fenêtre d’opportunités est ouverte et il ne faut pas la rater : obtenir rapidement et de manière concrète, des avancées majeures sur la restructuration des dettes, le renforcement des financements, le de-risking des investissements dans la mise en œuvre des ODD, ajuster les stratégies d’aide et renforcer l’investissement privé.
Ces enjeux ont fait l’objet d’avancées lors des dernières Conférences des Parties (COP) et lors du sommet sur un nouveau pacte financier global de juin 2023 à Paris. Mais les Européens doivent encore reconsidérer et consolider leur approche concernant les hydrocarbures, l’électricité, les mines et la biodiversité, en tenant compte des attentes et besoins des pays partenaires. L’état de pauvreté électrique et énergétique quasi généralisé en Afrique subsaharienne est source d’instabilité et freine le développement et les investissements. En outre, un essor économique de la région calqué sur celui de la Chine, de l’Europe ou des Etats-Unis au 20ème siècle compromettrait les efforts de préservation de la planète.
Dans le domaine de l’électricité, l’enjeu est de dé-risquer les investissements dans les énergies renouvelables, de renforcer la finance concessionnelle et de mieux la cibler. Des outils peuvent être rapidement mis en place. Les Etats doivent de leur côté renforcer leur cadre règlementaire et moderniser leurs sociétés nationales. Les réseaux sont un maillon faible et méritent d’être soutenus par les bailleurs de fond.
Dans le domaine des hydrocarbures, qui va connaître une forte croissance ces prochaines années dans la région, l’enjeu est de réduire au maximum les impacts sociétaux et environnementaux. Des plans de transformation des secteurs énergétiques et de modernisation des Etats doivent être développés de façon transparente et concertée pour éviter toute nouvelle malédiction des ressources et maximiser les opportunités de développement, notamment des infrastructures et solutions bas carbone.
L’essor du secteur minier a besoin d’infrastructures locales et régionales et de mise en œuvre de critères de responsabilité sociale des entreprises (RSE) plus exigeants afin de préserver l’environnement, les travailleurs et de favoriser le développement inclusif. Pour les Européens, il convient de mobiliser et mettre à disposition des capitaux compétitifs, de constituer des alliances minières et industrielles, d’aider à former la main d’œuvre et de structurer des projets qui soient gagnants-gagnants.
Dans le domaine de la biodiversité, une immense opportunité d’actions et de développement s’ouvre à condition de renforcer l’intégrité des marchés volontaires du carbone et de la biodiversité, ainsi que la gouvernance au niveau local, en impliquant toutes les parties prenantes.
La transition telle qu’envisagée en Europe n’est pas transposable à l’Afrique subsaharienne dont les principaux défis sont l’accès à l’énergie abordable et à une cuisson propre, le développement, l’emploi des jeunes et l’adaptation au changement climatique. Les Européens doivent être plus rapides dans leur capacité à accompagner des projets et tenir compte du fait que trop de prescriptions (comme dans la taxonomie, les normes de reporting extra financier, ou les critères RSE) les rendent moins influents et attractifs. Il faut de la flexibilité et de l’accompagnement tout au long du chemin plutôt qu’attendre des résultats immédiats. Les priorités mériteraient d’être recentrées : l’accès à une cuisson propre est la mère de toute les batailles et une des clés du développement et de la protection de l’environnement. Ce défi existentiel peut être surmonté rapidement. Ensuite, se pose la question cruciale des réseaux électriques et des infrastructures. Enfin, il faut éviter de verrouiller des émissions dans la durée du fait des besoins liés au développement et à l’urbanisation (acier, ciment notamment).
Le succès de cette nouvelle page entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne dépendra de la capacité des Européens à réduire encore plus rapidement leurs émissions pour faire de la place à la croissance inévitable des émissions subsaharienne. Aux Etats de la région, il incombe de renforcer la gouvernance et le cadre des investissements pour que la croissance soit inclusive, durable et stable et que ces efforts ne soient pas de courte durée. Et c’est aux Africains de formuler les mêmes exigences auprès de la Chine, de la Russie, des pays du Moyen-Orient et d’Amérique du Nord, qui sont moins engagés dans leur politique de décarbonation et de soutien.
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