Quel policy mix de sortie de crise pour la zone euro ? Vers de nouvelles convergences franco-allemandes
La quasi-récession que connaît la zone euro est un motif de grave préoccupation. Cette atonie de la croissance se double d’un phénomène tout aussi exceptionnel : la menace grandissante de déflation. Le déficit de croissance et la trop faible inflation compliquent les ajustements budgétaires structurels encore nécessaires dans certains États européens, notamment en France et en Italie. Plus fondamentalement, ils indiquent que les dysfonctionnements de l’Union économique et monétaire (UEM), mis au jour en 2009-2010 par la crise des finances publiques grecques, sont encore loin d’être tous réglés sur le fond.
Si, dans un premier temps, les positions allemandes et françaises sur la gestion de crise se sont confrontées de manière schématique, bloquant bon nombre de décisions, le débat semble avoir évolué tant en France qu’en Allemagne. Cette Vision franco-allemande explore les éléments constitutifs d’un policy mix et d’un agenda économique consensuels, visant à pérenniser structurellement l’UEM et résoudre ses graves problèmes conjoncturels.
Dans un premier temps, elle dresse un état des lieux de la zone euro, telle qu’elle apparaît après les crises récentes (la crise financière de 2007-2008 ; la grande récession ; la crise grecque ; la crise des dettes souveraines) en mettant en avant les différentes mesures qui ont été prises au niveau des chefs d’État et de gouvernement de l’UE pour y répondre. Les plans de relance de 2009-2010 ont montré que les États, compte tenu de la gravité de la situation macroéconomique, sont capables de prendre des mesures concertées de relance budgétaire. La crise de l’endettement souverain a donné lieu à des avancées réelles sur le plan de la gouvernance macroéconomique (Le « Six-pack » de 2011 ; le Mécanisme européen de stabilité ; le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012) mais celles-ci sont à la fois insuffisantes et déséquilibrées.
Dans un second temps, cette Vision franco-allemande examine le défi que constitue, pour la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), le risque de déflation, ainsi que les controverses qui entourent certaines de ses actions non conventionnelles, notamment en Allemagne où l’on se heurte aux différents programmes d’achat d’actifs par la BCE. Au demeurant, on est en droit d’attendre des États membres de la zone euro non seulement qu’ils ne créent pas de contraintes indues pesant sur la politique monétaire de la BCE, mais au contraire qu’ils participent à son action préventive face au risque de déflation.
Au final, cette Vision franco-allemande insiste sur la nécessité de renforcer le potentiel de croissance de l’UEM, ce qui suppose d’agir structurellement sur l’offre et l’appareil productif européen, ainsi que sur les finances publiques des États membres. Elle souligne notamment le rôle privilégié que pourraient jouer des mesures (nationales et européennes) de soutien à l’investissement, tant public que privé. Elle propose en conclusion certains éléments de compromis, dessinant un policy mix qui s’articule autour de trois volets interdépendants : une relance par les investissements (sur le plan macroéconomique) ; une consolidation budgétaire crédible et programmée (au niveau des finances publiques) ; enfin, des réformes structurelles, différenciées selon les pays, afin de redresser la compétitivité et le potentiel de croissance tant au niveau national qu’au niveau européen.
Pascal Kauffmann est professeur agrégé de sciences économiques à l'université de Bordeaux. Henrik Uterwedde est chercheur associé au Deutsch-Französisches Institut (DFI) à Ludwigsburg, après en avoir été directeur adjoint jusqu’à 2014.
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