Ratification du Traité de Lisbonne: final du marathon?
Sommes-nous enfin arrivés à la fin d"un long parcours d"obstacles ? Le Traité de Lisbonne, pourrait-il entrer en vigueur à la fin de l"année ? Et ainsi la réforme institutionnelle, discutée depuis le début de la décade, entamée ?
Dès lors, la nouvelle Commission s"installerait-elle entre décembre 2009 et janvier 2010, sur la base de ce nouveau dispositif ?
Il est trop tôt pour répondre à ces questions. Et comme précédemment, la réponse dépendra du choix des Irlandais, qui seront rappelés aux urnes le 2 octobre 2009, pour s"exprimer une deuxième fois sur le Traité de Lisbonne.
Un texte additif au Traité , appelé " protocole ", leur garantit des exceptions, et devrait leur faciliter l"acceptation. Il s"agit de la confirmation de la neutralité militaire du pays, du refus d"une harmonisation fiscale supplémentaire, ainsi que de l"exception sur l"avortement, interdit en Irlande.
D"autres obstacles ont été franchis, depuis ce printemps : par le biais de son Sénat, la République tchèque a ratifié le Traité en mai 2009 - mais le très populiste et eurosceptique président Klaus n"a toujours pas apposé sa signature.
Il en est de même pour le président polonais, qui dit attendre le résultat irlandais.
En ce qui concerne l"Allemagne, où la Cour constitutionnelle vient de se prononcer, des changements légaux sont désormais indispensables avant toute ratification définitive. Ces derniers sont prévus, quant à eux, pour août et septembre au Parlement allemand. Un facteur inconnu est l"attitude du Royaume-Uni, où le gouvernement Brown s"avère fragilisé par des scandales et son impopularité démontrée dans le scrutin européen. Les Tories ont annoncé le retour sur le dossier de Lisbonne et l"annulation de la ratification s"ils étaient au pouvoir.
Nous nous situons donc dans une situation, où l"attitude irlandaise sera décisive : si l"Irlande vote oui au second référendum, les autres seront positivement entrainés. S"ils votent non, alors le projet de Lisbonne est mort. La boîte de Pandore de l"identité communautaire est à nouveau ouverte. L"UE, attendue au niveau international ne montera pas sur scène, mais se préoccupera d"elle-même, et de ses contradictions internes.
La première question pour le moment est celle du " oui à 27 " ou du " non à un ou deux ou trois ou quatre ". Dans l"hypothèse d"un oui à 27, de nombreux problèmes et interrogations résultant des contradictions et imprécisions du Traité actuel, devront être encore résolus. Ces contradictions et imprécisions du Traité de Lisbonne évoquées par des analyses de spécialistes depuis 2007 et qui font l"objet de débats internes depuis 2008, sont:
- l"insuffisante délimitation des compétences des trois personnages clés de l"UE dans Lisbonne : du président permanent, du président de la Commission, ainsi que du Haut représentant pour la PESC ;
- l"insuffisante délimitation des compétences entre le président permanent et la présidence en rotation, maintenue ;
- l"insuffisante définition du rôle du futur service diplomatique de l"UE ;
- et enfin : l"absence d"une stratégie claire pour parvenir à la réduction des commissaires à 2/3, en 2014, selon un principe de rotation, comme le stipule ledit traité. Toutefois, les principes de cette rotation ne sont pas clairement définis à l"heure actuelle et doivent encore faire l"objet d"une décision du Conseil, et ce, à l"unanimité.
Une partie de la tâche de conciliation sur les sujets les plus importants incombe à la présidence suédoise.
Mais permettons-nous le luxe d"attendre tout d"abord que l"Irlande tranche sur le sort du Traité, avant de réfléchir à l"étape suivante.
Sondages irlandais favorables
Les sondages du mois de juin révèlent que les Irlandais sont majoritairement favorables au Traité de Lisbonne : D"après un sondage Irish Times/TNS, une majorité de 54% voterait cette fois-ci oui, et la tendance est à l"augmentation, avec 2% de plus que fin mai. Le camp du " non " recule en même temps, avec 28% à la même période. La banqueroute islandaise n"était pas sans impact sur ce renversement de tendance, dans la mesure où Dublin a pris conscience des avantages de sa participation communautaire. Néanmoins, le " oui " irlandais suppose que la population s"exprime uniquement " sur l"Europe ", et pas sur son gouvernement, de moins en moins populaire.
Bref aperçu du processus de Lisbonne
Le sommet européen de Laeken, fin 2001, ouvrait le débat sur les réformes institutionnelles, jugées indispensables dans le contexte des élargissements à venir. Sept ans après ces débuts pourtant, le processus n"a toujours pas abouti. Un premier projet, le Traité constitutionnel, fut rejeté en 2005 par la France et les Pays Bas. Le deuxième, le Traité modificatif, plus tard appelé Traité de Lisbonne, fut signé le 13 décembre 2007. Il ne se substituait pas aux traités existants, mais leur apportait des amendements. Toute référence constitutionnelle avait été supprimée. " Lisbonne " introduisait trois changements majeurs. D"abord, il apportait plus de visibilité, par le biais d"un président semi-permanent et d"un " Haut Représentant pour la politique étrangère ". Ensuite, il permettait un meilleur fonctionnement à travers la réduction du nombre des commissaires et des députés européens. Enfin, sur le plan procédural, le vote à la double majorité qualifiée se voyait renforcé au détriment de celui à l"unanimité, et ceci pour 51 domaines supplémentaires. La coopération judiciaire et policière en aurait été affectée par exemple, mais pas la fiscalité ou la politique étrangère. Bien qu"il constitue une avancée incontestable par rapport au Traité de Nice, il convient de souligner aussi les incohérences du dispositif : quel mandat pour le nouveau président permanent par rapport à la présidence en rotation, pour ne citer qu"une des interrogations illustres.
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