Stratégie gazière de la Chine : Développer la concurrence entre production nationale et importations
Le marché gazier chinois est confronté à quatre grands défis, auxquels le gouvernement est en train d’apporter des réponses qui auront des répercussions sur le marché énergétique chinois mais également mondial :
- Créer les conditions de développement de la demande de gaz afin de combattre la pollution atmosphérique qui sévit, en particulier dans les grandes villes côtières de l’est et du sud-est du pays. Cela signifie remplacer le charbon et le pétrole par des énergies propres, dont le gaz naturel qui voit sa demande exploser. Dans un marché gazier tout jeune, tout est à créer : depuis la construction des terminaux d’importation et des grands gazoducs d’importation jusqu’à la vente et l’installation de la cuisinière au gaz. Le prix du gaz doit être compétitif pour permettre au marché de se développer.
- Sécuriser l’approvisionnement : Comme la production nationale peine à suivre l’accroissement de la demande et que les gaz de schiste, dont la Chine possède les deuxièmes ressources les plus importantes au monde, sont encore un rêve éloigné, ce pays doit faire de plus en plus appel aux importations. Pour des raisons évidentes de sécurité énergétique, il diversifie son approvisionnement au maximum et développe de nouvelles coopérations énergétiques. Quatre canaux d’importation sont privilégiés : le GNL par voie maritime, la voie ouest avec l’Asie centrale, la voie sud avec la Birmanie et la nouvelle voie nord-est, avec la Russie. Ses importations, qui se sont élevées à 53 Gm3 en 2013, pourraient tripler d’ici 2020. Même si la Chine a réussi à négocier un prix favorable auprès de la Russie et que le prix de son GNL est inférieur à celui du Japon grâce aux premiers contrats d’importation de GNL signés au début des années 2000, les importations sont chères, surtout dans un pays qui est habitué à produire ou importer du charbon à un coût très bas. Jusqu’à présent, le prix de vente du gaz n’a pas permis de couvrir le prix des importations et le système n’est pas pérenne.
- Développer la production nationale : malgré des réserves de gaz importantes, en particulier de gaz non conventionnel (gaz de schiste, tight gas, CBM), la production de la Chine est encore peu développée par rapport à son potentiel et présente des opportunités de croissance importantes. Mobiliser ce potentiel requiert des investissements colossaux dans l’amont et un cadre réglementaire incitatif à l’investissement. La récente ouverture de l’amont aux sociétés privées et étrangères (gaz de schiste, CBM, offshore, tight gas), les annonces d’ouverture de l’accès des tiers aux réseaux et la réforme des prix devraient stimuler l’investissement dans l’amont et la production nationale.
- Réformer le prix du gaz : comme les importations croissent d’année en année – la dépendance de la Chine vis-à-vis des approvisionnements extérieurs a atteint 32 % au 1er semestre 2014 - les pertes financières des importateurs se comptent en dizaines de milliards de dollars. De même, jusqu’à présent, le niveau des prix n’était pas suffisant pour stimuler l’offre de gaz non conventionnel. L’augmentation des prix du gaz à la consommation est donc la seule voie possible. La réforme des prix du gaz, lancée en juillet 2013, lie les prix city gate aux prix de marché des produits pétroliers (fuel oil, GPL), concurrents du gaz naturel dans les secteurs résidentiel, commercial, industriel et des transports. Elle laisse de côté l’épineux problème du secteur électrique, dont la demande est fondée majoritairement sur le charbon, énergie polluante, mais abondante et nationale.
La réforme devrait permettre de relancer les investissements en amont et d’effacer les pertes financières liées aux importations de gaz. Via l’indexation sur les produits pétroliers, elle lie les prix du gaz à la consommation (hors secteur résidentiel) à ceux des importations de gaz. Les consommateurs vont devenir plus sensibles au développement des prix du gaz importé. La capacité de payer des prix plus élevés va donc être un élément déterminant du niveau futur de la demande et de son développement régional. À court terme, la Chine se heurte au problème de la capacité des consommateurs à payer leur énergie plus chère. Les décideurs politiques doivent trouver le juste équilibre entre une offre abordable de gaz naturel pour encourager la pénétration du gaz et un prix suffisamment élevé pour stimuler la production nationale et les importations afin de couvrir la hausse potentielle de la demande. À terme, en déplaçant la référence de prix de l’amont vers l’aval (du prix à la tête de puits au prix city gate déterminé par le prix de marché des énergies concurrentes), le gouvernement tente de mettre en place un système dans lequel le marché déterminera le niveau d’investissement dans l’amont gazier chinois et le volume des importations. À la clé, ce système lui permettra une allocation optimale des sources d’approvisionnements, qu’elles soient issues de son sous-sol ou importées, à un prix déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande de gaz. Étant donné le poids présent et à venir de la Chine dans le commerce international gazier, cet équilibre sur le marché chinois est à même de déterminer le prix international du gaz, un phénomène que l’on a pu observer sur le marché charbonnier et cela en l’espace de trois ans seulement. La Chine est devenue un importateur net de charbon en 2009 (bien qu’elle soit toujours le plus gros producteur mondial), a pris la place du Japon comme premier importateur mondial en 2011 et depuis les prix chinois sont devenus la référence internationale pour les prix du charbon vapeur commercialisé sur le marché international.
La nécessaire poursuite de la réforme des prix, annoncée par le Président Xi Jinping lors du 18e Congrès du Parti Communiste en octobre 2013, ne sera pas facile à mettre en place, puisqu’elle implique, non seulement l’accroissement des prix du gaz, mais aussi ceux du charbon (via une taxe sur les ressources ou une taxe carbone ou la mise en place du système national d’échange des droits d’émissions) et ceux de l’électricité. Ces réformes permettraient au gaz d’être compétitif dans le secteur électrique, mais entraîneraient une augmentation générale du prix de l’énergie en Chine. Une décision politique difficile et courageuse. Au-delà, la Chine peut compter sur la tendance baissière des prix internationaux du gaz et sur sa position unique : le plus gros marché gazier importateur à forte croissance, susceptible de peser significativement sur le prix des importations futures à un moment où le marché international du GNL se détend. À plus long terme, la production de gaz de schiste en Chine pourrait rebattre les cartes, mais en l’état actuel des connaissances, il est trop tôt pour se prononcer sur son apport futur et son prix.
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