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Batteries électriques, l’Europe dans la course

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citée par Jean-Claude Bourbon. Voir l'article sur le site de

  La Croix
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Pour ne plus dépendre de la Chine, les Européens veulent créer leurs usines de production. Le constat est amer. Malgré les milliards d’euros déversés chaque année pour la transition énergétique, aucun acteur industriel majeur n’a émergé en Europe. Ils ne sont plus qu’une poignée dans l’éolien, et pas en très bonne santé.

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Dans le photovoltaïque, ils ont pratiquement tous disparu : sur les 10 premiers fabricants mondiaux, neuf sont chinois, et le dernier, à la cinquième place, est sud-coréen.

Certes, la montée en puissance de la Chine a permis de diviser par dix le prix des panneaux en dix ans, mais elle a accru la dépendance de l’Europe. Dès lors, pas question de refaire la même erreur dans le domaine des batteries. 

  • « Les dirigeants européens ont pris conscience d’avoir raté la première étape de la transition énergétique, ils ne veulent pas rater la deuxième », souligne Carole Mathieu, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Ils se sont rendu compte que cette transition ne peut pas être uniquement synonyme de destructions d’emplois et se faire sans les populations. »

Enjeu stratégique

Même au sein de la technostructure bruxelloise, le discours est en train de changer. « Il n’est pas question que l’Europe dépende des batteries asiatiques. Le continent doit disposer maintenant d’une vraie base industrielle. C’est un enjeu stratégique », affirmait Dominique Ristori, directeur général de l’énergie à la Commission européenne, fin mai à Strasbourg, lors d’un colloque organisé par la revue Passages.

Le stockage de l’électricité est une sorte de graal, un moyen de pallier l’intermittence des énergies renouvelables. « Nous sommes à un tournant, car l’industrie des batteries est en train de changer d’échelle. En 2025, la majeure partie de la production de cellules lithium-ion sera utilisée pour la mobilité et non plus pour les équipements électroniques », assure Patrick de Metz, directeur des affaires environnementales chez Saft, le numéro un européen du secteur, racheté il y a deux ans par Total.

Airbus des batteries

Selon la Commission, la taille du marché européen des batteries devrait alors avoisiner les 250 milliards d’euros. En octobre dernier, la Commission a ainsi lancé le projet d’un « Airbus des batteries » avec, à la clé, des promesses de subventions. Finalement il y aura plusieurs consortiums, faute d’arriver à mettre d’accord tous les porteurs de projets. 

  • « Chacun veut poursuivre sa route seul, en considérant que sa stratégie est la bonne », souligne Carole Mathieu, qui note un certain cafouillage.

Trois sont pour l’heure en course. La start-up suédoise North­volt, fondée par deux anciens ingénieurs du constructeur américain Tesla qui espère des premiers lancements en série à l’horizon 2020. Elle a reçu le soutien du gouvernement suédois et un prêt de la Banque européenne d’investissement (BEI). En Allemagne, il y a Terra-E, associant BMZ, un fabricant de modules et plusieurs instituts de recherche, avec, là encore, l’appui financier des pouvoirs publics.

Dernier arrivé, Saft, qui a fondé une alliance avec le chimiste franco-belge Solvay ainsi que les allemands Manz et Siemens. « Nous sommes les seuls à proposer une rupture technologique avec une batterie lithium-ion à électrolyte solide. Elle ne s’enflamme pas, dispose de plus d’autonomie et se recharge beaucoup plus vite », assure Ghislain Lescuyer, le directeur général de Saft. La mise en service de cette « batterie du futur » est prévue à l’horizon 2025. Avec ses batteries LMP, une technologie concurrente, le groupe Bolloré pourrait, quant à lui, intéresser les flottes captives.

L’Asie dans la course

Mais les Asiatiques comptent eux aussi produire en masse en Europe, pour coller au plus près du marché. Les batteries pèsent plus de 200 kg et ne peuvent pas être livrées par avion pour des raisons de sécurité. Le chinois CATL, le numéro un mondial, qui fournit notamment PSA et BMW, vient ainsi d’annoncer qu’il allait construire une usine en Europe. Le sud-coréen Samsung a déjà choisi la Hongrie et son compatriote LG, la Pologne. L’Américain Tesla prospecte lui aussi sur le Vieux Continent.

L’objectif est de construire des « giga factories », des usines gigantesques, afin de réduire au maximum les coûts fixes, alors même que les prix de vente baissent déjà de l’ordre de 10 % par an. Les estimations évoquées donnent le tournis. Selon ­Volkswagen, si les véhicules électriques atteignent un quart des ventes en 2025, la fourniture des batteries nécessitera 40 usines comparables à celle montée par Tesla et le japonais Panasonic dans le désert du Nevada.

« Pour se lancer dans la production à grande échelle, il faut maîtriser l’approvisionnement en matières premières, comme le lithium et le cobalt. Les Chinois sont très présents dans les mines en Afrique, mais les Européens assez peu », souligne Cyrille Brisson, vice-président du groupe américain Eaton, spécialiste de la gestion de l’énergie.

Clients

Reste enfin aux Européens à trouver des clients. Cela paraît basique, mais pas gagné. Tous les regards se tournent vers les constructeurs automobiles, dont la stratégie n’est pas encore très claire. Doivent-ils investir eux-mêmes dans les batteries électriques pour garder la maîtrise d’un élément clé, comme le laissent entendre les dirigeants de Mercedes ? Faire jouer la concurrence entre les spécialistes pour faire baisser les prix, comme l’affirme General Motors ? Ou ne s’intéresser qu’à la partie « intelligente » des batteries, à l’instar de Renault-Nissan ?

Rien n’est tranché. « Certains commencent à venir nous voir, car ils ne veulent pas dépendre d’un oligopole asiatique », assure néanmoins Patrick de Metz, chez Saft. Pour lui, il y a de la place « pour cinq ou six fabricants en Europe, dont un ou deux Asiatiques ». À condition de faire vite.

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Les batteries, pivot de la transition énergétique

 Stock stationnaire

Rôle. Pallier l’intermittence de la production électrique renouvelable et assurer l’équilibre entre puissance appelée et fournie.

Atouts. Capacité à fournir une puissance élevée en un temps court.

Limite. L’électricité ne peut pas être stockée pour des périodes longues (risque de perte).

► Mobilité électrique

Rôle. Réduire l’empreinte carbone du transport (23 % des émissions de gaz à effet de serre en 2015).

Atouts. Souplesse d’usage pour les déplacements quotidiens de courte et moyenne distance ; possibilité de réutiliser les batteries usagées pour du stockage stationnaire.

Limites. Manque d’autonomie pour les déplacements de longue distance et les véhicules lourds ; peu de bornes de recharge rapide.

 

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Carole MATHIEU

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Ancienne Responsable des politiques européennes au Centre Énergie et Climat de l'Ifri