Chine, Russie, Etats-Unis : dans l'espace, le grand retour de la guerre froide
La conquête spatiale se joue désormais entre Washington et Pékin, bien aidé par le déclin russe. Dans le ciel aussi, la guerre en Ukraine bouleverse les équilibres.
Certes, Chang'e-5 n'a ni le charisme ni le sens de la formule de Neil Armstrong. Pourtant, ce petit robot est entré dans l'histoire de la Chine au même titre que l'astronaute américain de l'autre côté de l'Atlantique : c'est lui qui a planté le premier drapeau de son pays sur la Lune, en décembre 2020. "Comme Apollo 11 jadis, le drapeau chinois inspire l'humanité d'aujourd'hui", commentait alors, tout en modestie, le Global Times, journal officiel du gouvernement chinois.
"L'espace est toujours abordé comme un projet pour l'humanité, mais ce n'est jamais le drapeau de l'ONU qui est planté sur la Lune, soulève Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Pour la Chine, comme pour les Etats-Unis, le drapeau symbolise cette lutte pour contrôler le narratif, pour gagner le récit de la conquête spatiale."
Les ambitions sans fin de la Chine dans l'espace
Soixante ans après la course aux étoiles de la guerre froide entre l'URSS et les Etats-Unis, la géopolitique fait son retour dans l'espace. Depuis le début des années 2000, la Chine monte en puissance, avec un programme extrêmement ambitieux visant à concurrencer la superpuissance américaine. En 2003, Pékin place son premier taïkonaute en orbite, avant de lancer la première version de sa propre station spatiale en 2011, puis une deuxième dès 2016. Prouesse inédite, les Chinois se posent sur la face cachée de la Lune en 2018, et envoient leur rover sur Mars en 2021.
"Pour Pékin, l'espace constitue avant tout un vecteur de prestige, souligne Marc Julienne. La Chine aspire à devenir la première puissance mondiale dans tous les domaines à l'horizon 2049, afin de fêter le siècle de la fondation de la République populaire de Chine, et le spatial fait explicitement partie des secteurs dans lesquels elle doit se trouver devant les autres puissances, y compris les Etats-Unis."
Ce développement spatial garantit aussi à Pékin son indépendance économique et technologique, incarnée par le lancement de son propre système de navigation par satellites en 2020, Beidou.
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Au printemps 2021, Chine et Russie ont annoncé travailler de concert à une station scientifique lunaire, à la surface ou en orbite, pour concurrencer le programme Artemis mené par les Américains.
"Les aspirations de la Russie en tant que puissance autonome dans l'espace se réduisent à peau de chagrin, note Marc Julienne. Le partenariat avec la Chine devient vital pour le spatial russe, qui ne pourra bientôt plus se rendre seul en orbite. D'un autre côté, la Chine a de moins en moins besoin de la Russie et de son expérience, si ce n'est d'un point de vue politique, puisque coopérer dans des programmes spatiaux, qui sont à la fois stratégiques, scientifiques et ambitieux, envoie un message très fort au monde occidental."
Comme sur terre, la guerre froide fait bien son retour dans l'espace.
>> Retrouver l'article en intégralité sur le site de L'Express.
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