Crise du coronavirus aux États-Unis : Donald Trump "montre son côté homme d'affaires plus que tyran autocrate", explique une chercheuse
Cette semaine, le président Trump a réclamé que le confinement se termine le plus vite possible, "pour qu'on revienne à la normale", le 12 avril si possible, pour fêter Pâques.
franceinfo : Comment pourrait-on qualifier la gestion de la crise aux États-Unis ? Après avoir relativisé, Donald Trump a-t-il maintenant pris la pleine mesure de la crise sanitaire?
Laurence Nardon : Effectivement, après un moment de déni, puis un moment de flottement - mais beaucoup d'États ont traversé cette phase - on assiste à une montée en puissance de la puissance publique des Etats-Unis. Comme il s’agit d’un État fédéral, ça vient énormément des États fédérés et de leurs gouverneurs. L'administration fédérale aussi : on voit tous ces gens qui sont derrière Donald Trump lors de ses briefings quotidiens sur la question. Ce sont les gens des différentes agences de santé et de sécurité du pays. Ils sont donc tous à la manœuvre maintenant et le président lui-même a pris la mesure de l'affaire, même si sa réponse est toujours un peu imprévisible d'un jour à l'autre.
Donald Trump mobilise l'industrie américaine, notamment l'industrie automobile, pour produire du matériel médical. C’est assez historique ?
Oui, il a mobilisé une loi pour réquisitionner la production des entreprises. Il ne s'agit pas de les nationaliser. Mais de préempter leur production pour répondre à la crise. Néanmoins, cette semaine, le président Trump a réclamé que le confinement se termine le plus vite possible, pour qu'on revienne à la normale. Il a évoqué le jour de Pâques, soit le 12 avril, ce sera peut-être un peu tôt. Ça prouve que le président est et reste quand même un "capitaliste business oriented" : il veut que le business reprenne et ne se conduit pas du tout comme un autocrate qui veut enfermer les gens chez eux et réduire les libertés publiques. Il montre là son côté homme d'affaires plus que tyran autocrate.
Le coronavirus met à l’épreuve le système de santé américain, qui est à la fois décrit comme un système à la pointe de la recherche et de la technologie mais aussi comme étant très inégalitaire. Est-ce que ça s'illustre aujourd'hui ?
Oui, complètement. Il y a d’excellents hôpitaux, de la recherche, etc. Mais c’est un pays qui, par libéralisme, en glorifiant le principe de la responsabilité individuelle, a refusé de mettre en place un système de santé public universel, comme chez nous avec la sécurité sociale. Aux États-Unis, les gens ont donc des assurances privées, qui sont souvent fournies par leur employeur mais c'est un système extrêmement coûteux parce que les acteurs de la chaîne sanitaire en profitent à tous les échelons : les médecins, les hôpitaux, les assurances, les entreprises pharmaceutiques pratiquent tous des tarifs absolument exorbitants dont on n'a pas idée en France. On en voit les effets très négatifs aujourd'hui parce que, depuis le début de la crise du coronavirus, beaucoup de citoyens américains n'ont pas voulu aller consulter leur médecin parce que ça coûtait tout simplement beaucoup trop cher pour eux. Du coup, quand on a vu les premiers décès arriver à Seattle, il y a quelques semaines, le niveau de contagion de la population était déjà très avancé. C'est ce qu'on voit aussi à New York aujourd'hui. Il faudra réfléchir après. Les élections présidentielles de novembre seront l'occasion de réfléchir à une amélioration de ce système.
Retrouver l'interview ici
Média
Partager