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Difficile tournée diplomatique chinoise en Europe

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cité par Brice Pedroletti dans

  Le Monde
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Lors d’une conférence-débat à Paris, le ministre des affaires étrangères, Wang Yi, a été interrogé sur Hongkong et les Ouïgours.

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Alors qu’elle estime être « au bord d’une nouvelle guerre froide » avec les Etats-Unis, la Chine tente de calmer les tensions avec les pays européens en y envoyant deux de ses principaux diplomates. Wang Yi, le ministre des affaires étrangères, doit achever, mardi 1er septembre, à Berlin, une tournée qui l’a conduit en Italie, aux Pays-Bas, en Norvège et en France. Dans la foulée, Yang Jiechi, le responsable des relations internationales au sein du Parti communiste chinois, visitera la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Autant de rencontres préparatoires avant le sommet qui réunira − par visioconférence − le président Xi Jinping et quatre dirigeants européens, Ursula von der Leyen (Commission européenne), Charles Michel (Conseil européen), la chancelière allemande, Angela Merkel, et Emmanuel Macron, le 14 septembre.

« Wang Yi semble avoir pour mission de limiter les dégâts en Europe occidentale à la suite des frictions liées à la pandémie et à Hongkong. Alors que Yang Jiechi, le conseiller diplomatique du parti, qui siège au bureau politique, mène une opération d’influence en Europe du Sud. Dans la hiérarchie de l’Etat-parti, Wang Yi occupe une position assez subalterne », explique Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Pour lui, « en France, on peut dire que la visite de Wang Yi est plutôt un succès car il a rencontré des grands personnages de l’Etat − le président Macron, Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel et qu’il y a eu peu de communication de la part de la France sur les sujets qui fâchent ». Le communiqué publié à l’issue de la rencontre, samedi 29 août, entre le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et son homologue chinois mentionne simplement que « le ministre a rappelé les graves préoccupations de la France quant à la dégradation de la situation des droits de l’homme en Chine, en particulier à Hongkong et au Xinjiang ».

Messages accusateurs

La tournée de Wang Yi n’a pas été triomphale, loin de là. En Italie, le président du conseil, Giuseppe Conte, ne l’a pas reçu alors que la Chine en avait fait la demande. En mars 2019, l’Italie avait pourtant été le premier pays du G7 à adhérer au programme chinois des « nouvelles routes de la soie ». En Allemagne, trois députés, Margarete Bause (Verts), Gyde Jensen (FDP, parti libéral démocrate) et Michael Brand (CDU), ont, dans une lettre commune, appelé le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, à ne pas « se laisser instrumentaliser ». A ce stade, aucun entretien n’est prévu avec la chancelière Angela Merkel.

En Norvège, où les relations diplomatiques avec la Chine ont connu neuf ans de turbulences à la suite de l’attribution du prix Nobel de la paix à l’opposant chinois Liu Xiaobo en 2010, M. Wang a rappelé que la Chine réagirait « fortement contre toute tentative d’utiliser le Prix Nobel pour interférer dans les affaires internes chinoises » en réponse à une question d’un journaliste sur la nomination potentielle des représentants du mouvement prodémocratie de Hongkong.

Pire : pendant qu’il était en Europe, une très importante délégation tchèque – 90 personnes emmenées par le président du Sénat, Milos Vystrcil, effectue une visite officielle de cinq jours à Taïwan. Un voyage condamné par Wang Yi, qui a rappelé que, pour Pékin, l’île est « une partie inséparable de la Chine ». Plus discrètement, la France a autorisé, fin août, Taïwan à ouvrir un second bureau de représentation, à Aix-en-Provence. Une ville où il n’y a pas de consulat chinois.

A Paris, dimanche 30 août, le chef de la diplomatie chinoise a participé à une conférence-débat à l’IFRI. La façade du centre de recherche, taguée dans la nuit de samedi à dimanche au pochoir de messages accusateurs « stop au génocide des Ouïgours », avait été recouverte en urgence de grandes feuilles blanches par la police. Seules quelques personnalités du monde politique ou économique ont pu poser une question.

Charge en règle

M. Wang Yi y a mené une charge en règle contre les Etats-Unis et leur manière de malmener le multilatéralisme, prévenant que les pays qui prétendent se découpler de la Chine font fausse route : ce serait « se découpler du monde et de son marché » global, a-t-il déclaré. La Chine vis-à-vis de l’Europe n’est pas un « rival systémique » − une expression employée par les Européens depuis 2019 − mais un « partenaire stratégique », a-t-il ajouté. Quant au traité d’investissement censé remplacer les nombreux accords bilatéraux entre les pays européens et la Chine, et permettre un filtrage des investissements chinois en Europe, le ministre a évoqué « la possibilité de conclure d’ici à la fin de l’année. Il faut faire un pas l’un vers l’autre ». Pour les Européens, ce sont les résistances chinoises qui ont conduit à l’enlisement des négociations.

A l’IFRI, dimanche, Wang Yi a été interpellé par l’eurodéputée et ex-ministre des affaires européennes Nathalie Loiseau sur Hongkong et le Xinjiang. Le chef de la diplomatie chinoise s’est lancé dans une longue explication truffée de statistiques. Il y a « 24 000 mosquées » au Xinjiang, « bien plus par habitant que dans de nombreux pays musulmans » – une réalité trompeuse puisqu’il n’est pas possible pour les Ouïgours de s’y rendre librement et sans risque. Un « génocide » au Xinjiang ? « Les Ouïgours sont passés de 5,5 millions en 1949 à 11 millions aujourd’hui », s’est-il justifié. En réalité, les éléments attestant d’un contrôle des naissances abusif par le biais notamment de stérilisation forcée portent sur ces deux dernières années.

Sur Hongkong, M. Wang a affirmé que « les sondages montrent que les Hongkongais approuvent largement les lois de sécurité, à 70 % ». Un sondage mené par l’Association de recherche de Hongkong (HKRA), à la réputation douteuse en raison de ses liens avec la Chine, a fait état, en juillet, d’un soutien déclaré de 66 % auxdites lois. En revanche, un sondage mené récemment par le très crédible Institut de recherche sur l’opinion publique de Hongkong, commandé par Reuters, montre que 60 % des personnes interrogées se sont dites opposées aux lois de sécurité.

De toute façon, pour Wang Yi, « Hongkong et le Xinjiang relèvent des affaires intérieures de la Chine et nous souhaitons que les autres pays n’interfèrent pas dans les affaires intérieures chinoises ». Un message qui, semble-t-il, n’a pas convaincu les Européens.

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri