En Chine, la puissance de Xi Jinping n’a plus de limites
Le XXe congrès du Parti communiste s’est clos dimanche avec une concentration extrême du pouvoir, où la loyauté et l’idéologie passent désormais avant le mérite et le pragmatisme.
La une du Quotidien du peuple, journal officiel du parti, ce lundi matin, donne le ton pour la fin du XXe congrès du Parti communiste chinois. En haut, un portrait officiel de Xi Jinping sur fond de ciel bleu, si retouché qu'il en est irréel, façon image pieuse . En dessous, les sept hommes qui composent le nouveau Comité permanent du bureau politique, l'organe tout-puissant du PCC, ne sont que des pions noirs sans visage, le doigt sur la couture du pantalon. La plus grande organisation politique au monde , qui régit la vie d'1,4 milliard de Chinois, soit un habitant sur six sur la planète, est désormais aux mains d'un homme seul et de sa garde rapprochée. Depuis le discours d'ouverture de Xi Jinping , dimanche, retour sur ces huit jours qui marquent un tournant majeur dans la politique chinoise, dont les conséquences pourraient toucher le reste de la planète.
L'idéologie avant l'économie
Dans son rapport sur le bilan du Parti communiste depuis cinq ans, titré «Porter haut levé le grand drapeau du socialisme à la chinoise et lutter ensemble pour l'édification intégrale d'un pays socialiste moderne», Xi Jinping, qui briguait un troisième mandat de cinq ans, a dessiné un bilan triomphaliste, en faisant table rase des difficultés de la deuxième puissance mondiale. Le taux de chômage catastrophique des jeunes, qui a dépassé cet été 20% chez les 16-24 ans, l'immobilier qui menace de s'effondrer, les conséquences désastreuses de la doctrine du «zéro Covid», la croissance au ralenti ou la courbe démographique vieillissante n'ont pas été évoqués .
« Il a fait passer les concepts idéologiques et théoriques qu'il a développés lui-même, comme le "grand renouveau de la nation chinoise", la "sécurité nationale", la "prospérité commune" ou la "modernisation socialiste", avant le pragmatisme et les enjeux fondamentaux, relève Marc Julienne, responsable des activités Chine au Centre Asie de l'Institut français des relations internationales (Ifri). Pour un homme qui va diriger la deuxième puissance mondiale pour les cinq prochaines années, c'est un peu inquiétant. »
Les hommes et les Hans avant tout
Exit les femmes, exit la dimension multiethnique au coeur du projet de la république populaire de Chine en 1949. Alors que le pays compte 700 millions de femmes, et qu'elles représentent près d'un nouvel adhérent du PC sur deux, il n'y en a aucune parmi les 24 membres du bureau politique, et elles ne sont que 11 parmi les 205 membres du Comité central, l'étage en dessous dans la pyramide du parti. Signe du mépris total de l'appareil pour les droits des Chinoises, Zhang Gaoli, 75 ans, l'homme accusé de viol par la championne de tennis Peng Shuai l'an dernier, était installé au premier rang de la tribune présidentielle le jour de l'ouverture. Quant aux représentants des 55 ethnies non-han qui composent la grande mosaïque chinoise, leur part a encore diminué dans les instances supérieures.
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Le Comité permanent, simple extension de Xi Jinping
Quatre membres sur sept ont été remplacés au Comité permanent du bureau politique. Parmi les nouveaux, Li Qiang, très impopulaire pour avoir orchestré le terrible confinement de Shanghai, au printemps, a été bombardé numéro 2, ce qui devrait lui assurer le poste de Premier ministre en mars, lors de la prochaine Assemblée nationale populaire. Ou encore Cai Qi, qui avait déclenché une indignation nationale en 2017 en expulsant violemment les travailleurs- migrants de la banlieue de Pékin.
« Le Comité permanent du bureau politique est désormais entièrement verrouillé par Xi Jinping. Il n'a pas pris les profils les plus attendus ou les plus populaires, mais ceux qui travaillent avec lui depuis vingt ans, trente ans ou plus au Fujian, au Zhejiang ou à Pékin, comme Ding Xuexiang, son secrétaire particulier, un véritable intime qui n'a qu'une très récente expérience politique de haut niveau », pointe Marc Julienne.
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« Non seulement Hu Chunhua, 59 ans, considéré comme une étoile montante du Parti communiste, n'est pas promu au Comité permanent, mais il n'est même plus au bureau politique, pointe le chercheur de l'Ifri. De même pour Wang Yang, qui était pressenti par certains comme le prochain Premier ministre. Tous deux étaient marqués par l'héritage de Hu Jintao et Li Keqiang, et issus de la Ligue de la jeunesse communiste. On assiste à une fermeture totale à d'autres courants politiques que celui de Xi. »
Une trajectoire néototalitaire qui s'accélère
Bien que la presse officielle parle d' « ambiance chaleureuse » lors du Congrès, sur les photos, pas trace de sourire même chez les nouveaux élus.
« La Chine de ces cinq prochaines années va être la prolongation de la trajectoire néototalitaire des dix précédentes années. On a vu de quoi Xi Jinping était capable au Xinjiang, à Hongkong, à l'égard de Taiwan et sur le plan diplomatique. On ne sait pas jusqu'où il peut aller. Et cela doit interroger les observateurs et les responsables politiques européens », alerte Marc Julienne.
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