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Entre Trump et Macron, la fin des illusions

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citée par Marc Semo dans

  Le Monde
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Les deux présidents se retrouvent à Caen, le 6 juin, alors que s’accumulent les dissensions transatlantiques. 

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Le petit chêne est mort et l’herbe a repris ses droits sur la pelouse de la Maison Blanche où Donald Trump et Emmanuel Macron l’avaient planté, le 23 avril 2018, à l’occasion de la visite d’Etat du président français. Venu d’un champ de bataille de la première guerre mondiale où les marines américains avaient écrit une page de leur histoire, l’arbuste qui devait « symboliser la ténacité de l’amitié » entre la France et les Etats‑Unis n’a pas supporté, de source française, la quarantaine phytosanitaire qui lui avait été imposée après sa très médiatique plantation.

C’est comme une métaphore d’une relation qui n’est plus ce qu’elle a été, notamment sur le plan personnel. Des divergences fondamentales sur le climat, le nucléaire iranien ou le rôle de l’Union européenne ont fini par en venir à bout. « C’est à l’occasion de cette visite à Washington qu’Emmanuel Macron a compris que Donald Trump ne bougerait pas », estime Benjamin Haddad, directeur d’un programme consacré à l’Europe au sein de l’Atlantic Council, un cercle de réflexion de Washington, qui vient de publier Le Paradis perdu : L’Amérique de Trump et la fin des illusions européennes (Grasset, 288 pages, 19 euros).

Les deux présidents se rencontreront le 6 juin à la préfecture de Caen, dans ce qui sera le seul véritable rendez‑vous diplomatique des cérémonies du 75 e anniversaire du Débarquement, un symbole de l’unité des Alliés alors que s’accumulent les dissensions transatlantiques. Cinq ans plus tôt, ces mêmes plages étaient le cœur d’un grand ballet diplomatique en présence de nombre de chefs d’Etat et de gouvernement, évidemment ceux des pays alliés vainqueurs dont la reine Elizabeth II, mais aussi la chancelière allemande Angela Merkel ainsi que le président russe Vladimir Poutine et son homologue ukrainien Petro Porochenko.

Cette fois, l’affiche sera nettement moins flamboyante. « Les grandes cérémonies sont pour les années en dix et celles en cinq restent plus contenues », se justifie l’Elysée. L’élément mémoriel sera central avec la présence de quelque cinq cents vétérans, presque tous centenaires. Après trois jours au Royaume‑uni et en Irlande, Donald Trump arrivera en Normandie pour rendre hommage, au cimetière américain de Colleville, aux militaires américains tombés lors du Débarquement.

Il se rendra ensuite à Caen pour un tête‑à‑tête d’une demi‑heure, puis un déjeuner de travail d’une heure et demie avec Emmanuel Macron. Ce sera leur premier face‑à‑face depuis les Tweet rageurs envoyés par Donald Trump à l’issue des cérémonies du centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918. Jusque‑là, le président américain avait épargné son homologue français.

Il voulait régler ses comptes après le procès en nationalisme instruit en sa présence par le président français. Le 45e locataire de la Maison Blanche raillait dans ces messages la « faible popularité » d’Emmanuel Macron et se déchaînait contre toute idée d’armée européenne surtout si elle ne se fournit pas en matériel américain.

« C’était inédit entre eux, mais depuis l’eau a coulé sous les ponts. Ils se sont revus en marge du G20 en Argentine [fin 2018] et leurs relations ont repris avec respect mais dans la franchise quand il y a des désaccords », explique un proche du chef de l’Etat. On rappelle à l’Elysée que l’Amérique reste « notre amie indéfectible, même s’il y a toujours eu des points de divergence et de discorde, y compris avec les précédentes administrations », et que « jamais la coopération n’a été aussi étroite sur le plan militaire et sécuritaire ». 

Le départ du secrétaire à la défense James Mattis, en décembre 2018, a pourtant privé Paris d’un interlocuteur très apprécié. Le remplacement en mars 2018 de Rex Tillerson au département d’Etat par le plus politique Mike Pompeo, soucieux d’apparaître aligné sur les positions du président, avait eu un effet similaire.

Sur le plan personnel, ce n’est plus comme avant, quand Donald Trump ne cessait de chanter les louanges de son ami « Emmaaaaanuel ». Les contacts téléphoniques directs entre les deux hommes sont désormais plus espacés. Leurs prochaines rencontres, après la commémoration de Normandie, devraient être limitées aux prochains sommets internationaux, le G20 au Japon fin juin et le G7 fin août à Biarritz.

« Dans une première phase, on misait côté français sur une proximité personnelle nourrie par une certaine similarité dans leurs parcours politiques disruptifs, sans pour autant se cacher les divergences de fond, mais il n’y a pas eu les résultats escomptés », relève Laurence Nardon, responsable du programme Etats‑Unis à l’Institut français des relations internationales. Nul aujourd’hui ne se fait plus d’illusion, ni à Paris ni à Washington. Donald Trump est déjà en campagne électorale et les relations avec la France ne sont pas un enjeu. 

« Aux yeux du président américain, son homologue français n’en reste pas moins, par défaut, le seul leader d’un grand pays de l’Union européenne avec qui il peut s’entendre », précise Laurence Nardon. Les relations avec la chancelière allemande sont fraîches, si ce n’est exécrables. A cela s’ajoute l’incertitude politique qui prévaut au Royaume‑Uni. La probable désignation de Boris Johnson comme premier ministre en remplacement de Theresa May donnerait à Donald Trump un autre interlocuteur à son goût, voire à son image.

Lors de leur rencontre, Donald Trump et Emmanuel Macron aborderont en premier lieu les questions de la lutte contre la menace terroriste, sur laquelle les deux capitales sont au diapason, mais aussi les sujets qui fâchent comme la politique vis‑à‑vis de l’Iran. Le retrait américain de l’accord de juillet 2015 sur le nucléaire iranien, défendu par les autres signataires européens (France, Royaume‑Uni et Allemagne), et l’imposition de sanctions américaines touchant par ricochet les entreprises et les banques européennes ont envenimé les relations transatlantiques.

« Il faut éviter de se laisser enfermer dans une logique de confrontation », explique l’Elysée, qui s’inquiète de la montée des tensions dans le Golfe et du risque d’un conflit. Emmanuel Macron veut inciter Donald Trump à compléter sa « stratégie de pression maximale par une politique d’incitations ». « Je ne vois pas ce que l’on peut espérer », confie Benjamin Haddad. L’inquiétude face au poids croissant de la Chine pourrait théoriquement rapprocher les deux hommes, ajoute‑t‑il, mais Donald Trump n’a exprimé à aucun moment le désir de mettre sur pied un front commun face à Pékin. 

 

Lire l'interview sur le site de Le Monde.

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Laurence NARDON

Laurence NARDON

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Responsable du Programme Amériques de l'Ifri