Femme, vie, liberté : révolution à l’iranienne
480 morts et 16 800 arrestations en deux mois. Tandis que le slogan "Femmes, Vie, Liberté" résonne dans l'hémicycle à quelques jours de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, Téhéran passe un nouveau cap vers l’arme nucléaire annonçant produire de l’uranium enrichi à 60 %.
L’Iran a annoncé récemment avoir franchi le seuil de 60% d’enrichissement de son uranium. Pourquoi cette déclaration intervient-elle dans le contexte actuel ?
Selon les deux derniers rapports trimestriels de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran a franchi ce seuil cet été. Le dernier rapport d’octobre précisait que Téhéran détenait déjà 62,5 kg d’uranium enrichi à plus de 60%, soit sept kilos de plus que cet été. L’enrichissement se poursuit aux usines souterraines de Fordo et de Natanz qui protègent les infrastructures de possibles attaques aériennes. Dès lors, l’annonce des autorités iraniennes peut être comprise comme une affirmation de leur détermination à continuer le programme nucléaire, en dépit des manifestations internes et des critiques internationales, et ce avant que l’AIEA ne dévoile publiquement le franchissement du seuil de 60% d’enrichissement. L’Iran revendique son droit à l’enrichissement, dans un but scientifique, alors que les taux qu’elle atteint ne laisse pas de doutes sur la nature militaire de son programme nucléaire.
Où en sont les négociations sur l’accord nucléaire iranien ?
Les négociations alternent entre des phases de hauts et de bas. Elles avaient repris en novembre 2021 et abouti à la présentation d’un premier document prometteur en janvier 2022. Cependant, les conséquences de la guerre en Ukraine ont porté atteinte à la poursuite des discussions. Le déclenchement du conflit a en effet redéfini les priorités de l’agenda diplomatique américain. Puis, en septembre 2022, le soutien de Téhéran à l’effort de guerre russe, en fournissant des drones et des missiles balistiques de courte portée, ainsi que la répression des manifestations dans le pays, ont précipité l’enlisement des négociations. Alors que la plupart des contentieux entre les européens, la Chine, la Russie et l’Iran ont été réglés, plusieurs points d’achoppement subsistent entre les Etats-Unis et l’Iran, notamment en ce qui concerne la désignations comme terroristes de certaines personnalités iraniennes.
Quel est l’état d’avancement du programme nucléaire militaire iranien ?
L’Iran n’est pour l’instant pas en mesure de détenir une arme nucléaire pouvant potentiellement menacer les puissances régionales que sont Israël ou les Emirats arabes unis. L’Iran affirme néanmoins être capable d’atteindre un taux d’enrichissement de 90% de leur uranium en quelques jours si les autorités en avaient la volonté politique. Après avoir fabriqué une bombe de 25 kg d’uranium enrichi à 90%, il leur resterait à la vectoriser sur des missiles balistiques qui sont aujourd’hui conçus pour transporter des charges conventionnelles et non nucléaires. Cette ultime étape pourrait durer deux à trois ans selon les estimation. L’Iran dispose déjà de missiles balistiques conventionnels de portée importante (deux à trois mille kilomètres) et de bonne précision. La vectorisation étant très difficile à surveiller, il serait alors très difficile d’empêcher l’Iran d’acquérir une capacité nucléaire complète. C’est pourquoi, il est prioritaire en premier lieu que l’Iran n’atteigne pas le seuil d’enrichissement de 90%. Israël serait alors enclin à conduire des opérations afin de l’en empêcher. L’Etat hébreu a multiplié récemment des actions en zone grise contre des cibles iraniennes. Il pourrait être responsable de l’assassinat en Syrie d’un commandant des forces aérospatiales iraniennes, en charge des programmes nucléaire et balistique. La domination des partis de droite en Israël, très hostiles à l’Iran, couplée au refroidissement des relations avec les Etats-Unis, pourrait même conduire Israël à mener des opérations contre l’Iran sans l’accord de la puissance américaine.
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