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Hamas-Israël : « L’attaque de l’hôpital de Gaza, plus qu'un tournant, une nouvelle donne »

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interviewé par Jeanne Durieux pour

  Le Figaro
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ENTRETIEN - Le tir meurtrier sur l’enceinte d’un hôpital à Gaza, quelle que soit l’origine de l’attaque, «porte un coup décisif à l’image de l’État hébreu», pointe Denis Bauchard, ancien ambassadeur en Jordanie, conseiller pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à l'Ifri.

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Bande de Gaza, le 10 octobre 2023
Bande de Gaza, le 10 octobre 2023
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La frappe meurtrière sur un hôpital gazaoui le 17 octobre au soir a suscité de vives condamnations à l’étranger. Alors qu’Israël et le djihad islamique se rejettent la responsabilité du tir, plusieurs sources de renseignement européennes et israéliennes pointent vers la responsabilité certainement d’un groupe islamiste. «Sur la base des informations que nous avons eues jusqu'à maintenant, il semble que (la frappe) soit le résultat d'une roquette hors de contrôle tirée par un groupe terroriste à Gaza», a avalisé Joe Biden, en visite à Tel-Aviv, qui soutient la version israélienne.

Le bilan de la frappe est également contesté : alors que le Hamas avance 471 morts, il serait plutôt «de quelques dizaines, probablement entre 10 et 50», selon un haut responsable européen du renseignement, cité par l'AFP sous couvert de l'anonymat. Malgré ce démenti, le monde arabe est le théâtre depuis le 17 octobre d’importantes manifestations qui imputent la responsabilité de ce drame à Israël.

Ancien ambassadeur en Jordanie (1989-1993) et au Canada (1998-2001), Denis Bauchard est conseiller pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à l’IFRI.

LE FIGARO - La frappe contre un hôpital est-elle un tournant dans la guerre entre Israël et le Hamas ?

Denis Bauchard - C’est plus qu’un tournant. C’est une nouvelle donne dans ce conflit, quelle que soit l’origine du tir de roquette. Cette affaire marque un véritable changement dans l'évolution des opinions. Dans les mentalités publiques arabes et internationales, ce tir meurtrier apparaît comme le résultat de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, commencée il y a quelques jours. Les frappes aériennes de l’État hébreu ont détruit un quartier entier, des milliers de maisons, ont atteint des cibles civiles... Et les bombes ne font pas la différence entre les gens du Hamas et les citoyens lambdas.

Israël se défend pourtant de toute responsabilité dans la frappe aérienne, pointant la culpabilité du Djihad islamique...

Israël attribue effectivement la frappe à un tir raté de la part de cette organisation extrémiste palestinienne, qui veut anéantir Israël. On ne saura probablement jamais avec certitude l’identité de l’auteur du tir - le Djihad islamique pourrait avoir bombardé l’hôpital, avant d’accuser Israël pour le discréditer à l’international. Dans un conflit de ce type, tous les coups sont permis pour désavouer l’adversaire.

Pour autant, aux yeux de l’opinion publique, cette justification est peu crédible. Les populations arabes ne croiront jamais à la responsabilité du Djihad islamique, compte tenu du tapis de bombes qu'Israël déverse depuis quelques jours sur Gaza. L’image de l’État hébreu s’en trouve considérablement fragilisée, alors même qu’il apparaissait jusqu’à présent comme victime de l’attaque initiale du Hamas le 7 octobre, qui avait fait 1300 morts. Les jeux ne sont pas faits pour autant : de nouveaux événements peuvent embraser à nouveau le paysage.

Le président américain Joe Biden se rend ce mercredi en Israël pour rencontrer son homologue Benyamin Nétanyahou. Compte tenu des événements, cette visite est-elle condamnée à léchec ?

La frappe embarrasse effectivement les États-Unis, en tant qu’elle rend encore plus difficile la mission d’apaisement de Joe Biden à Tel-Aviv. L’objectif du président américain est de convaincre Israël de se montrer moins brutal vis-à-vis de Gaza. Joe Biden cherche à installer un corridor humanitaire à Gaza, ou à défaut exfiltrer les nationaux palestino-américains qui y sont piégés.

Vis-à-vis de la contre-offensive terrestre de l’État hébreu dans la bande de Gaza, Joe Biden obtiendra peut-être qu’elle soit plus ponctuelle, plus resserrée sur quelques territoires spécifiques. De toute façon, il semble y avoir des problèmes techniques et logistiques manifestes, puisque cette invasion annoncée il y a plusieurs jours n’est toujours pas arrivée. Une telle opération n’est pas si facile à organiser dans un milieu foncièrement hostile. Il est probable qu’elle soit moins importante qu’imaginée.

Les relations entre les États-Unis et Israël pourraient-elles en pâtir ?

Les relations israélo-américaines ne sont pas si bonnes que ça. Jusqu’à récemment, Joe Biden avait tenu à distance son homologue hébreu, ne l’avait pas reçu à Washington. L’idée, pour les États-Unis, est maintenant de faire comprendre à Israël que, non seulement ils se comportent mal, mais qu’en plus, ça n’est pas dans leur intérêt. Les expériences passées témoignent cependant du fait que les Israéliens n’en font souvent qu’à leur tête, et n’écoutent pas les conseils des États-Unis, qui affichent pourtant un soutien presque sans faille à Israël.

En parallèle, la rencontre entre les chefs d’État américains, égyptiens, jordaniens et palestiniens avec Mahmoud Abbas, qui a été annulée ce matin, aurait de toute façon été assez complexe. Anthony Blinken avait déjà fait un tour dans ces pays, sans résultat. La Jordanie et l’Égypte sont dépassées par leur opinion publique, foncièrement hostile à Israël. Ces pays ne peuvent apparaître comme se soumettant aux États-Unis dans la conjoncture actuelle ; leur presse officielle est d’ailleurs extrêmement virulente vis-à-vis des États-Unis et d’Israël.
 

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> Lire l'interview sur le site du Figaro

 

 

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Denis BAUCHARD

Intitulé du poste

Conseiller, Programme Turquie/Moyen-Orient de l'Ifri

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Bande de Gaza, le 10 octobre 2023
Anas-Mohammed/Shutterstock