INFOGRAPHIE - La connaissance des terroristes s’affine
Une nouvelle étude portant sur 137 personnes jugées pour terrorisme permet de dégager des « tendances lourdes » dans les profils et parcours des djihadistes.
Au fil des études publiées par des chercheurs, la connaissance des parcours, profils et processus de radicalisation des terroristes progresse et s’affine. Certaines des thèses développées au début du phénomène djihadiste actuel se retrouvent ainsi battues en brèche.
Spécialiste reconnu du terrorisme et de la radicalisation, Marc Hecker, chercheur à l’institut français des relations internationales (Ifri), vient de publier une étude intitulée « 137 nuances de terrorisme. Les djihadistes de France face à la justice. » Ce travail décrit la biographie, la radicalisation et le traitement judiciaire de 137 personnes jugées pour des faits de terrorisme. À défaut de dessiner un « profil type », l’examen de cet échantillon, numériquement important, permet de dégager des « tendances lourdes ».
Des parcours de vie chaotiques
Dans une première partie quantitative, l’étude montre que la moyenne d’âge des djihadistes est de 26 ans. Ils proviennent de la France entière, conséquence de la propagande numérique de Daech, même si des foyers se structurent autour de recruteurs notoires. 40 % des condamnés sont issus des quartiers sensibles.
Pas ou peu diplômés, comme l’avait déjà montré David Thomson, ces radicalisés ont, pour une petite majorité d’entre eux, déjà eu affaire à la police ou à la justice. Le milieu carcéral n’apparaît pas comme le lieu principal de la radicalisation.
Des Français de religion musulmane
Une large majorité des personnes jugées (69 %) sont par ailleurs Français. Leurs parents, eux, sont généralement issus du Maghreb (59 %).
Des chiffres qui semblent, selon Marc Hecker, valider l’« importance du facteur migratoire » dans les parcours des djihadistes, une thèse développée par le spécialiste de l’ethnopsychiatrie Tobie Nathan.
Enfin, la proportion des convertis est relativement faible. Ils ne représentent que 26 % des personnes jugées.
C’est beaucoup moins que dans d’autres travaux, précise l’auteur. Cela peut être dû au fait que les convertis seraient plus nombreux parmi les personnes signalées pour radicalisation mais qui ne passent pas à l’acte que parmi ceux partant en Syrie ou tentant de commettre des attentats.
Des enfances difficiles
Après cette analyse quantitative, le chercheur se livre à une étude plus qualitative. Sans juger ce facteur prépondérant ni y chercher des excuses, Marc Hecker note d’abord l’enfance difficile de ces jeunes, souvent marquée par des parents absents, violents, toxicomanes, abusifs…
Peu d’antécédents psychiatriques sont relevés, même si les experts décrivent régulièrement des personnalités « immatures », « paranoïaques », « narcissiques » ou « dépressives ». Ces symptômes sont-ils plus importants que dans l’ensemble des jeunes ? Aucune étude n’a permis de valider ou d’infirmer ce point, très discuté par les experts.
De longs processus de radicalisation
Contrairement à l’idée souvent reprise de radicalisation express, le chercheur montre que ce processus s’étale en fait souvent sur plusieurs mois ou années. Une observation probablement due au fait que son étude porte sur des profils « sérieux » et non sur des radicalisations immatures ou adolescentes.
Comme déjà démontré, Internet ne joue par ailleurs pas un rôle majeur dans le basculement. En revanche, il est très utilisé pour des prises de contact, la diffusion des idées, l’organisation de groupes, voire les préparatifs. Ainsi, l’effet de groupe, voire les dynamiques familiales, sont-elles prépondérantes. Elles compliquent considérablement le travail de désengagement effectué par les personnes qui suivent les signalés.
Enfin, se penchant sur la réponse judiciaire, le chercheur note un point inquiétant, bien que déjà connu : la nécessité d’appréhender la menace sur le temps long. Plusieurs personnes condamnées il y a plus de cinq ou dix ans sont passées à l’acte récemment. Les générations passées de djihadistes continuent par ailleurs d’irriguer et de structurer les filières actuelles. La génération qui se sera « formée » en Syrie (1 300 ressortissants français y ont séjourné) fait ainsi peser sur la France une menace de long terme.
En conclusion, le chercheur espère que ces données pourront permettre de mieux cibler les actions de prévention et servir à construire un contre-discours. Il déplore par ailleurs que peu de documents soient disponibles pour les chercheurs. La coopération entre chercheurs et services de renseignement est pourtant l’une des clés d’une plus grande efficacité de la lutte contre le terrorisme.
Lire l'article sur La Croix ici.
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