JO d’hiver 2022. Le boycott diplomatique des États-Unis, une « défaite pour Pékin »
Aucun représentant officiel des États-Unis ne sera présent à Pékin pour les Jeux d’hiver 2022. Une sanction prise par la diplomatie américaine en réponse au « génocide et crimes contre l’humanité en cours au Xinjang ». D’autres puissances occidentales pourraient emboîter le pas de leur allié. Pour quelles conséquences à court ou long terme ? Deux chercheurs à l’Iris et à l’Ifri décryptent la situation.
La prise de décision américaine était devenue un secret de polichinelle. Lundi 6 décembre, les États-Unis ont acté leur boycott diplomatique pour les Jeux olympiques d’hiver de Pékin, qui auront lieu du 4 au 20 février prochain. C’est quelque chose qui était envisagé depuis plusieurs semaines et même plusieurs mois, souligne Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sport à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Après une longue période de tractations internes, la première puissance mondiale a finalement choisi le boycott diplomatique. Traduction ? Les États-Unis n’enverront aucun représentant diplomatique aux Jeux olympiques et paralympiques 2022 en raison du génocide et des crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang, a précisé la Maison Blanche.
L’affaire Peng Shuai a été « un élément indéniable dans la prise de décision »
Pas d’allusion, donc, à l’affaire Peng Shuai, cette joueuse de tennis chinoise disparue pendant plus de deux semaines après avoir accusé de viol un ancien haut-dirigeant chinois. Il y a de la prudence de la part des États-Unis dans cette affaire mais, à mon sens, cela a été un élément indéniable dans la prise de décision, analyse Carole Gomez.
Si cette mesure est avant tout symbolique, celle-ci n’est pas anodine sur le plan diplomatique. Ça ne va pas améliorer la relation bilatérale entre les deux pays, confirme Marc Julienne, chercheur et responsable des activités Chine à l’Ifri (Institut français des relations internationales). Ça exerce quand même une pression politique qui n’est pas négligeable et on le voit dans la réaction des autorités chinoises. La Chine n’a pas tardé à réagir. La tentative des États-Unis de perturber les Jeux olympiques d’hiver de Pékin, fondée sur un préjugé idéologique, des mensonges et des rumeurs, ne fera qu’exposer aux yeux de tous les intentions malveillantes des États-Unis, a avancé le porte-parole de la diplomatie chinoise.
Si cette mesure est avant tout symbolique, celle-ci n’est pas anodine sur le plan diplomatique. Ça ne va pas améliorer la relation bilatérale entre les deux pays. Marc Julienne, chercheur et responsable des activités Chine à l’Ifri
Ils adoptent une position condescendante, estime Marc Julienne. Mais dans le même temps, ils ont menacé d’employer des contre-mesures résolues. Ça veut quand même dire que cela leur pose problème.
Les États-Unis vont-ils être suivis par leurs alliés ?
Car la prise de position américaine pourrait pousser d’autres nations à lui emboîter le pas. Mardi matin, la Nouvelle-Zélande a déjà confirmé qu’elle n’enverra pas non plus de représentants diplomatiques officiels aux JO. Tout comme l’Australie un peu plus tard. Désormais, l’objectif des États-Unis va être de parvenir à convaincre un certain nombre de pays de les suivre dans cette logique, détaille Carole Gomez. C’est le principe même d’un boycott. Si on veut qu’il soit efficace et marquant, il faut qu’il soit suivi.
Le Canada, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne ont d’ores et déjà dit qu’ils réfléchissaient à cette option. Très franchement, on peut raisonnablement penser que les États-Unis seront suivis par leurs alliés proches, prédit Marc Julienne. Ce qui ne serait pas un bon signal pour Pékin. Si les tribunes diplomatiques sont parsemées, ce serait plutôt une défaite diplomatique pour Pékin.
Très franchement, on peut raisonnablement penser que les États-Unis seront suivis par leurs alliés proches. Marc Julienne, chercheur et responsable des activités Chine à l’Ifri
Quid de la position française ? Pour l’instant, l’Élysée a simplement précisé, par voie de dépêche, qu’elle prenait note de la décision des États-Unis. Mais l’évolution de la position de ses alliés dans les prochains jours pourrait l'obliger à sortir de sa réserve.
Les boycotts sportifs, une époque révolue ?
Quoi qu’il en soit, les deux chercheurs ne croient pas une escalade des sanctions et, in fine, à un boycott total de la part d’une nation. À mon sens, le boycott sportif tel qu’il a existé est attaché à une période, la guerre froide, et à une logique de blocs, explique Carole Gomez. Quand il y a un boycott de Los Angeles (1984) ou de Moscou (1980), il y a une vingtaine, une trentaine de comités nationaux olympiques qui suivent la démarche. Aujourd’hui, je ne suis pas certaine que ce soit envisageable. Marc Julienne abonde : Cela me semble surréaliste et pas très productif. Que le gouvernement ait une position, c’est une chose, mais les sportifs représentent leur pays et pas leur gouvernement. Il n’y a pas de raison qu’on prive les sportifs qui s’entraînent depuis quatre ans pour ces Jeux."
Cela me semble surréaliste et pas très productif. Que le gouvernement ait une position, c’est une chose, mais les sportifs représentent leur pays et pas leur gouvernement. Il n’y a pas de raison qu’on prive les sportifs qui s’entraînent depuis quatre ans pour ces Jeux. Marc Julienne, chercheur et responsable des activités Chine à l’Ifri
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