La Centrafrique entre-t-elle dans une nouvelle guerre ?
En plein contexte post-électoral, et dans l’attente des résultats de la présidentielle du 27 décembre, des groupes rebelles se sont emparés, dimanche 3 janvier, de la ville de Bangassou, à 750 km à l’est de Bangui. La veille, une autre attaque rebelle avait visé Damara, fief du président sortant et favori du scrutin, Faustin-Archange Touadéra. La crise qui s’installe semble durable.
Le président Faustin-Archange Touadéra a voulu coûte que coûte que se tiennent, le 27 décembre, des élections présidentielles et législatives, alors que les groupes rebelles qui contrôlent la majorité du pays avaient déclenché une attaque une semaine avant cette date. Il a été soutenu dans sa volonté de maintenir les élections par le « groupe des cinq » qui comprend l’ONU, l’Union européenne, la France, les États-Unis et la Russie. On a ainsi vu l’Europe financer des élections, dont tout le monde savait qu’elles allaient être une mascarade. La sécurisation a été confiée aux Russes et aux Rwandais. Le désordre mondial conduit à de telles alliances contre nature entre des démocraties et des régimes autoritaires.
Depuis la première élection du président Faustin-Archange Touadéra, en 2015, l’Europe et l’ONU ont construit une sorte de narratif sur le «reploiement de l’administration centrafricaine» et autres châteaux construits sur du sable. L’Europe a réglé plusieurs centaines de millions d’euros pour mettre en oeuvre les accords de paix signés à Khartoum. Le 27 décembre, les élections ont eu lieu dans moins des deux tiers des sous-préfectures. En Centrafrique, seules les villes votent habituellement, car les campagnes, qui représentent 95% de la population, sont difficile ment accessibles. Cette fois-ci, une partie de l’électorat des villes n’a pas pu se rendre aux urnes, sa sécurité n’étant pas assurée. Le gouvernement a refusé également que votent les 600 000 Centrafricains réfugiés dans les pays voisins. Pourtant, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) avait proposé d’organiser ce scrutin, comme en 2015. Faustin-Archange Touadéra a voulu passer en force, sans négocier avec l’opposition démocratique. Elle demande maintenant l’annulation du vote. Le président a voulu également mettre fin aux fonctions, souvent théoriques, cédées à des membres des groupes armés dans les allées du pouvoir, comme le prévoyaient les accords de paix signés à Khartoum.
- Si le gouvernement tient sa ligne dure, le président sera proclamé réélu dès le premier tour. Il ne sera pas légitime.
De nombreux sièges à l’Assemblée nationale seront vacants faute d’élections organisées dans les circonscriptions. Les groupes armés seront à nouveau sur le chemin de la guerre. Leur stratégie est de prendre maintenant le contrôle des villes. Ils contrôlent Bangassou. Ils ont marché sur Bangui, mais ont été maintenus à distance par les casques bleus, les soldats rwandais et les paramilitaires russes. Il faut être réaliste. Les Russes et les Rwandais peuvent uniquement sécuriser la route qui mène à la capitale. Dans les villes où elle est présente, la Minusca peut déloger les groupes armés. Ils disparaîtront dans la brousse jusqu’à la prochaine attaque.
> Lire l'interview sur le site de La Croix
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