"La diplomatie turque joue toujours le rapport de forces"
Responsable du Programme Turquie contemporaine de l'Ifri, Dorothée SCHMID décrypte la stratégie d'influence du président Tayyip Erdogan.
Quels intérêts poursuit la Turquie?
Elle passe par les classiques réseaux d'amitié - les groupes parlementaires, mais aussi les organisations patronales, comme l'Institut du Bosphore, émanation du patronat turc, qui réunit régulièrement des hommes d'affaires et des politiques français. Mais les autorités turques ont aussi pris conscience du rôle des diasporas, et cherchent à les fédérer par le biais des ambassades de Turquie et de la Diyanet, la très puissante direction des affaires religieuses, à Ankara. Les Turcs devraient prendre la présidence du Conseil français du culte musulman (CFCM) cette année, mais les purges du régime compliquent la donne.
Nous souffrirons forcément de l'évolution du régime en Turquie. L'enjeu dépasse la simple image: la dégradation du climat politique,les atteintes aux libertés publiques et à la séparation des pouvoirs sont autant de coups portés à la démocratie turque, qui décrédibilisent nos propres institutions.
L'accord trouvé sur les réfugiés syriens semble soumis au bon vouloir d'Erdogan, qui menace sans cesse de le suspendre. Les communautés originaires de Turquie (dont les Kurdes), pro et antirégime, sont à cran en Europe. La diplomatie turque joue toujours le rapport de forces: il est temps de comprendre que les Turcs n'ont pas la main sur tous les dossiers et qu'il est contre-productif de leur céder sur tout.
Dorothée SCHMID est également l'auteure de "La Turquie en 100 questions"' (Tallandier)
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