La guerre en Ukraine « doit pousser les Européens à être plus efficaces en matière de défense »
Spécialiste de l’Europe à l’Institut français des relations internationales (Ifri), Dominique David souligne que les Européens doivent être plus unis pour que l’Otan ne reste pas une structure dominée par les États-Unis.
Pour Dominique David, spécialiste de l’Europe à l’Ifri (Institut français des relations internationales), le sommet de Versailles, qui doit réunir les 27 chefs d’État de l’Union ce jeudi et ce vendredi dans les Yvelines, doit servir à afficher la volonté d’une défense européenne, alors que la guerre en Ukraine fait rage aux frontières de l’UE.
La défense européenne existe-t-elle ?
DD : Si l’on parle de la capacité de se défendre par exemple contre une Russie qui nous attaque rait dans une guerre de haute intensité, non. Les armées européennes agiraient alors avec les Américains dans le cadre de I ’Alliance atlantique, l'Otan. Tout ce qui existe au niveau européen, ce sont des institutions politiques ou militaires comme un état-major de l'Union européenne (UE) chargé de planifier des opérations. II y a aussi des coopérations militaires qui permettent aux pays membres volontaires de monter des opérations multinationales pour gérer des crises, comme dans les Balkans ou au Sahel.
Exemple type, l'opération européenne Talcuba au Mali regroupe des forces spéciales de plusieurs partenaires de l'UE... mais elle va être démantelée dans le cadre du retrait du Mali décidé par Emmanuel Macron. Enfin, on a créé dans le cadre de la PESD (politique européenne de sécurité etde défense) une douzaine de groupements tactiques multinationaux, mais ils n'ont jamais servi faute d'accord politique face à une crise.
Cela ressemble à un échec... Pour quelles raisons ?
II y a d'abord un problème basique, stratégique : les Européens estiment que « sérieuses » sont dévolues à l'Otan. De plus, il faudrait une véritable coopération industrielle au sein de l'UE permet tant de produire des moyens propres. Or, quand de telles coopérations existent, elles se font entre certains États, à deux, trois ou quatre, rare ment dans le cadre de l'UE. Cela peut évoluer car un Fonds européen de défense a récemment été créé, doté de quelque 7 milliards d'euros.
Ça ne paraît pas beaucoup...
Non, mais c’est symbolique ment très important. II s’ajoute à l'Agence européenne de défense et prouve que plusieurs pays membres sont convaincus que, sans base industrielle, il n'y aura pas d'autonomie européenne de défense. Ce projet prendra de toute façon des années.
Concrètement, qu’est-ce qui peut changer avec le sommet de Versailles ?
II ne faut pas attendre de décision spectaculaire. L'important sera le signal politique donné par les Vingt-Sept. Les Européens doivent montrer qu'ils sont prêts à se regrouper et parler d'une voix plus unie, ensemble, d'abord au sein de I Alliance atlantique, afin que l'Otan ne reste pas une structure dominée par les seuls États-Unis. Car la question de la garantie de l'engagement des États-Unis à nous défendre se pose tout à fait normalement. Les Américains n'ont pas que l'Europe en tête, ils se préoccupent beaucoup des défis en Asie
Pacifique face à la Chine. La guerre en Ukraine doit pousser les Européens à se resserrer et à rendre plus efficaces leurs liens en matière de défense. Face à la crise, c’est le défi de l'Europe.
> Lire l'interview sur le site du Parisien
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