La livraison d’avions de chasse n’est plus « un tabou » pour certains alliés de l’Ukraine
Plusieurs responsables américains et européens ont assuré, ces derniers jours, que la porte n’était plus fermée à l’envoi d’avions de type F-16. Les Pays-Bas, en particulier, ont pris parti en faveur de cette hypothèse, qui ne fait pas consensus.
Alors que la livraison de chars lourds à l’Ukraine vient seulement d’être validée par les Occidentaux, l’hypothèse de l’envoi d’avions de chasse est d’ores et déjà agitée par un certain nombre de responsables ukrainiens, américains et européens. En parallèle, Kiev a relancé une autre de ses demandes récurrentes : l’envoi de missiles longue portée. « Les négociations se déroulent à un rythme accéléré », a assuré, samedi 28 janvier, le conseiller du président ukrainien Mykhaïlo Podoliak lors d’un entretien à la chaîne de télévision ukrainienne Freedom.
Jusqu’à présent, les Etats-Unis ont toujours refusé de fournir aussi bien des avions que des missiles sol-sol longue distance, dits ATACMS, dont la portée peut atteindre 300 kilomètres. Des lignes rouges édictées en raison de la crainte que Kiev ne se serve de ces équipements pour pousser l’offensive jusqu’au territoire russe. Mais les Ukrainiens continuent à faire pression sur leurs alliés, considérant qu’un des seuls moyens d’affaiblir l’armée de Moscou est de parvenir à détruire ses stocks d’artillerie, dont une centaine seraient localisés en Crimée occupée, selon M. Podoliak.
Or, pour la première fois, le 25 janvier, plusieurs hauts responsables américains ont semblé prêts à rouvrir la discussion sur ces sujets. L’envoi d’avions de chasse sera « très soigneusement » discuté, a ainsi déclaré le conseiller adjoint à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jon Finer, sur la chaîne américaine MSNBC. L’entreprise de défense Lockheed Martin va « augmenter la production de F-16 à Greenville [Caroline du Sud] afin d’être en mesure de répondre de manière très satisfaisante aux besoins des pays qui choisiraient de procéder à des transferts tiers pour contribuer au conflit actuel », a indiqué, le même jour, Frank St John, directeur d’exploitation de la société américaine, au Financial Times.
Convaincre les Etats-Unis
Les F-16 sont aujourd’hui les avions les plus recherchés par Kiev. Ces appareils dits de quatrième génération ont l’avantage d’être polyvalents tout en étant relativement bon marché.
« C’est un petit avion sans cesse modernisé depuis sa mise en service et qui peut accomplir toutes les missions à un moindre coût, un peu comme le Mirage 2000 », explique Jean-Christophe Noël, ancien pilote de chasse, aujourd’hui chercheur associé à l’Institut français de relations internationales (IFRI) et rédacteur en chef de la revue de réflexion Vortex, éditée par l’armée de l’air.
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« De la guerre de 1915 à celle de 1944 »
Une autre option à l’étude, selon des responsables européens cités par le Financial Times, serait l’envoi de la flotte des pays européens volontaires à d’autres pays du flanc est, afin que ces derniers puissent à leur tour envoyer en Ukraine leurs propres appareils de conception soviétique. L’hypothèse avait toutefois été rejetée au début de la guerre. Alors que la Pologne avait proposé d’envoyer à Kiev ses Mig-29, espérant en échange recevoir des F-16, Washington avait mis son veto, jugeant cette solution trop risquée face à la Russie.
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Sur le plan militaire, l’arrivée d’avions de chasse occidentaux changerait la configuration de la guerre, selon les experts, alors que les forces russes, mais aussi ukrainiennes, ont vu leur flotte durement touchée par les combats : près de 60 avions de chasse détruits côté ukrainien, 70 côté russe, selon le site spécialisé Oryx.
« Les Russes ont la supériorité aérienne au-dessus des zones où se trouvent leurs troupes, mais n’ont jamais été capables de frapper en profondeur. La situation est similaire pour les Ukrainiens. Si un des deux belligérants peut prendre l’avantage dans le ciel, il pourra plus facilement prendre l’initiative au sol en bombardant les troupes ennemies et en cassant systématiquement leur logistique. On passerait de la guerre de 1915 à celle de 1944 », décrypte M. Noël.
L’envoi d’avions de chasse occidentaux sur le théâtre ukrainien est aussi une manœuvre complexe. « La formation est encore plus longue que pour un char. Selon l’expérience du pilote, la prise en main n’est pas très compliquée, mais, pour maîtriser le système d’armes, il faut des heures de répétition, compter six à huit mois pour transformer pilotes et mécaniciens, décrit le spécialiste. Un F-16 ne prend en outre toute sa valeur qu’en étant intégré à un environnement connecté, notamment avec la présence d’Awacs [avions de surveillance et de commandement]. Réussir par ailleurs à détruire les batteries antiaériennes russes tout en protégeant les bases d’où ces avions décolleront ne sera pas une mince affaire. »
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