A la recherche d’un nouvel ordre mondial
Il revendique « sa conception du présent comme l’intersection d’un futur déjà là et d’un passé encore là » en réaction à un air du temps obsédé par l’instantanéité et qui, trop souvent, tend « à surestimer les changements à court terme et sous-estimer ceux à long terme ».
Polytechnicien et ingénieur des Mines, docteur en économie formé à Berkeley, le fondateur et aujourd’hui président de l’Institut français des relations internationales (IFRI) a, parmi les grands spécialistes des relations internationales, un parcours original qui le sensibilise aux effets des grandes innovations technologiques.
Qu’il s’agisse des enjeux liés au dérèglement climatique dans un univers entré dans « l’anthropocène », selon l’expression du chimiste néerlandais et Prix Nobel Paul Crutzen – pour définir une nouvelle ère géologique dominée par l’action de l’homme –, ou qu’il s’agisse des potentialités démiurgiques ouvertes par l’intelligence artificielle, il est à même d’en comprendre les enjeux et surtout de les expliquer clairement sans irénisme ni catastrophisme.
« L’utopie de la mondialisation libérale »
Les « temps des troubles », expression évoquant les empires finissants, sont toujours difficilement déchiffrables. Le vieux monde est en train de mourir mais le nouveau n’est pas encore né. D’où la tentation du repli vers l’identitaire. « L’utopie de la mondialisation libérale qui a succédé au rêve du socialisme intégral a encore plus rapidement fait long feu », note Thierry de Montbrial. Citant Paul Valéry, il n’est guère tendre pour les effets d’une Histoire mythifiée qui « enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines ».
Promettant le futur et la vie éternelle au nom du passé, les religions sont, selon lui, sur ce plan, encore plus dévastatrices, à commencer par un islam conquérant devenu, à des degrés divers, hégémonique dans les trois Etats-nations les plus grands et les plus anciens du Moyen-Orient – à savoir la Turquie, l’Iran et l’Egypte.
- « A des degrés divers selon les lieux, le monde n’a jamais cessé d’être westphalien »
Le « système international » né de l’après-guerre, cet ensemble d’unités – Etats, régions, villes, organisations internationales, entreprises – en interaction les unes avec les autres, a tenu mais montre aussi toutes ses limites à l’heure où émerge toujours plus la nécessité d’un minimum de gouvernance globale pour un monde multi- ou apolaire. Où le poids des Occidentaux est toujours plus relatif, tout en demeurant au centre de ce système.
Vivre le temps des troubles, de Thierry de Montbrial, Albin Michel, 170 p., 15 euros
Média
Partager