L’absence de tsunami républicain est en soi une victoire pour le camp démocrate
Laurence Nardon, chercheuse spécialiste des Etats-Unis, remarque, dans une tribune au « Monde », que la large victoire républicaine annoncée par les sondages ne s’est pas produite. L’administration Biden peut désormais aborder les deux années à venir avec une relative sérénité.
Contrairement à ce que les sondages annonçaient ces dernières semaines, les résultats des élections de mi-mandat aux Etats-Unis ne sont pas désastreux pour les démocrates. Même si tous les dépouillements ne sont pas encore terminés, notamment dans les Etats de l’Ouest, il semble que les républicains devraient reprendre le contrôle de la Chambre avec une majorité moins large que prévu. Quant au Sénat, il devrait rester en suspens encore quelques semaines, puisque l’élection du sénateur de Géorgie est renvoyée à un second tour, qui aura lieu en décembre. Dans tous les cas, la majorité du parti vainqueur y sera très mince. L’absence de tsunami républicain est en soi une victoire pour le camp démocrate, surtout si on le met en regard des très mauvais résultats qu’avaient connus Bill Clinton en 1994 et Barack Obama en 2010 (ce dernier avait alors évoqué une « raclée »).
Inflation, criminalité et immigration, les thèmes de campagne mis en avant par le camp républicain n’ont apparemment pas suffi à galvaniser les électeurs autant que prévu. Les démocrates, à l’inverse, ayant tablé sur la défense de la démocratie et du droit à l’avortement, ont suscité une mobilisation importante des jeunes et surtout des femmes, comme le montreront sans doute les analyses du vote dans les semaines à venir. Déjà, on sait que les référendums sur l’avortement menés en Californie, dans le Michigan et dans le Vermont ont été remportés : le droit à l’IVG figurera dans la Constitution de ces Etats.
Les analystes démocrates avaient aussi déploré leur difficulté à faire prendre conscience à l’opinion américaine de l’ampleur des réformes engagées par l’administration. Avec des lois de relance économique post-Covid-19, de réparation des infrastructures, d’incitation à l’installation d’usines de batteries pour voitures électriques (avec l’Inflation Reduction Act) et de semi-conducteurs (avec le Chips Act), ainsi qu’un décret d’annulation partielle de la dette étudiante, l’entourage de Biden compte relancer la prospérité des classes moyennes du pays. L’ensemble de ces mesures avait été dénoncé par les républicains comme conduisant à des dépenses hors de proportion favorisant une inflation record… Il semble que le bilan de l’administration ne lui aura pas excessivement nui dans les isoloirs. Là encore, le détail des sondages de sortie des urnes permettra de savoir quelles étaient les motivations des électeurs.
Les échecs de Trump
L’administration Biden ayant déjà mis en œuvre l’essentiel de son programme, elle peut désormais considérer les deux années à venir avec un certain calme. Les républicains majoritaires à la Chambre multiplieront certainement les projets de loi incendiaires, mais ils n’auront pas les soixante sénateurs nécessaires à la Chambre haute pour s’assurer de faire voter leurs textes. Ils ne pourront donc en aucun cas abroger le travail législatif accompli par les démocrates depuis 2021. Même, leur radicalité pourrait lasser l’opinion, comme on l’avait déjà vu en 1996 et 2012, lorsque Bill Clinton puis Barack Obama furent réélus pour un second mandat.
Pour les démocrates, la seconde bonne nouvelle tient à l’affaiblissement du statut de Trump au lendemain de ces élections. L’ancien président s’est beaucoup investi dans la campagne, soutenant officiellement des centaines de candidats radicaux. Ces derniers avaient en commun de soutenir la thèse de « l’élection volée » par les démocrates en novembre 2020. Ils se sont attaqués d’abord à d’autres républicains dans les primaires (la représentante républicaine du Wyoming, Liz Cheney, par exemple, avait été défaite par une candidate trumpiste au mois d’août), puis, bien sûr, aux candidats démocrates dans l’élection générale.
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Laurence Nardon est responsable du programme Amérique du Nord à l’Institut français des relations internationales.
> Lisez l'intégralité de la tribune sur le site du Monde
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