L’attentat de Saint-Pétersbourg, un coup dur pour Poutine ?
Akbarjon Djalilov, 22 ans. L'auteur de l'attentat-suicide du métro de Saint-Pétersbourg, ville natale du président russe, qui justement s'y trouvait, a aujourd'hui un nom. Il a aussi un visage, comme l'a officiellement annoncé hier le Comité d'enquête russe, alors que des photos d'un jeune homme à lunettes, en parka rouge et bonnet bleu, circulent depuis hier matin sur les réseaux sociaux.
Le Comité d'enquête a confirmé ainsi les informations obtenues plus tôt par l'AFP auprès des services secrets (GKNB) du Kirghizstan, ex-république soviétique d'Asie centrale, qui avait précisé que l'homme était originaire de la région d'Och, dans le sud du pays. L'auteur de l'attentat-suicide est né au Kirghizstan, mais n'a jamais eu de passeport kirghiz, a également indiqué hier la diplomatie de ce pays d'Asie centrale. « Nous soulignons que A. Djalilov n'a jamais eu de passeport kirghiz et qu'il a reçu en 2011 à l'âge de 16 ans un passeport russe, conformément aux demandes de son père de nationalité russe, et qu'il a résidé en permanence en Russie à partir de ce moment-là », a indiqué le ministère dans un communiqué. Entre-temps, le bilan de l'attaque de lundi a été confirmé à la hausse. Quatorze personnes ont péri dans l'explosion et 49 ont été blessées dans l'ancienne capitale impériale, qui est en deuil pour trois jours, selon la ministre de la Santé, Veronika Skvortsova.
Les enquêteurs russes ont également établi que « la bombe artisanale a pu être actionnée par un homme dont des restes ont été retrouvés dans le troisième wagon de la rame », a annoncé le Comité d'enquête dans un communiqué, sans préciser si le kamikaze faisait partie des morts décomptés. Toujours selon le comité, Djalilov était aussi celui qui avait déposé une seconde bombe dans une autre station du centre-ville, Plochtchad Vosstaniïa. Cette bombe avait été désamorcée à temps lundi par les services spécialisés. D'après plusieurs médias russes, la charge de cette seconde bombe était trois fois plus puissante que celle qui a explosé.
Premier kamikaze kirghiz
Très vite, la piste jihadiste a été évoquée par les médias russes, citant des sources sécuritaires, bien que l'attentat n'ait pas été revendiqué. Quelque 600 Kirghizs, venant notamment de la même région que Djalilov, ont de fait rejoint les groupes jihadistes en Irak et en Syrie, principalement l'organisation État islamique, laquelle appelle depuis des années à attaquer la Russie. « C'est toutefois la première fois qu'un kamikaze originaire d'Asie centrale commet un attentat en Russie ; en outre, le Kirghizstan est le pays le moins touché par le radicalisme islamique », rapporte Nathalie Ouvaroff, la correspondante de L'Orient-Le Jour à Moscou.
L'attentat de Saint-Pétersbourg n'est pas le premier en Russie. Deux attaques ont ainsi visé en 2009 et 2010 le métro de Moscou, faisant plus d'une soixantaine de morts. Mais le pays n'avait pas été aussi durement touché depuis l'explosion en plein vol le 31 octobre 2015 d'un avion reliant l'Égypte à la Russie avec 224 personnes à bord, un attentat revendiqué par l'EI. Depuis, des attaques ont frappé les instables républiques russes du Caucase et les services de sécurité russes ont annoncé à plusieurs reprises avoir démantelé des cellules jihadistes s'apprêtant à frapper Moscou et Saint-Pétersbourg. Pour Julien Nocetti, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI) et spécialiste de la politique de la Russie au Moyen-Orient, « ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne réussissent, et viser la deuxième ville de Russie et fenêtre vers l'Europe comporte une forte dimension symbolique ».
Le fait que Saint-Pétersbourg soit la ville natale du président russe et qu'il s'y trouvait à ce moment-là n'est certainement pas anodin. L'impact de l'attentat n'en devient que plus fort et représente certainement un coup dur au président russe, dont l'intervention militaire en Syrie peut être l'une des causes, plus ou moins directes, de l'attaque. Basée en bonne partie sur la lutte antiterroriste, la popularité de Vladimir Poutine pourrait en prendre un coup, notamment à un an de la présidentielle et de la Coupe mondiale du football, un défi sécuritaire majeur. Critique de la politique migratoire de l'Europe, le président russe a vu lundi sa ville visée par un attentat commis justement par un émigré. « L'attentat montre que les autorités sont impuissantes à empêcher totalement le terrorisme islamiste sur le sol russe. Cela peut avoir des effets sur l'opinion de la jeunesse russe, qui tolère de moins en moins la corruption et l'impunité dont jouissent les dirigeants », souligne aussi Julien Nocetti à L'Orient-Le Jour. Néanmoins, selon le chercheur, il est également possible que l'attaque ait un effet inverse et contribue à « souder » la population russe autour de la figure forte et rassurante de Vladimir Poutine.
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