Le détroit d’Ormuz broie du noir
Les incidents dans le golfe Persique menacent une route majeure pour l’exportation du pétrole. Golfe persique « Soit tout le monde pourra utiliser le détroit d’Ormuz, soit personne ne le pourra. » La menace du général iranien Mohammad Ali Jafari, commandant du Corps des gardiens de la révolution, résonne aux oreilles des Anglais après la perte du Stena Impero.
Le pétrolier battant pavillon britannique, arraisonné vendredi, est encore retenu par les Iraniens.
L’incident ne manquera pas de se répercuter sur le cours du brut, fragilisé par des sabotages de pétroliers dans le golfe d’Oman en mai et juin dernier. Quelles conséquences cette insécurité aura-t-elle sur le commerce mondial du pétrole, et qu’adviendra-t-il si le détroit d’Ormuz devenait impraticable ? Le point avec Olivier Appert, spécialiste des questions énergétiques auprès de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Quelle importance a le détroit d’Ormuz dans le commerce énergétique mondial ?
C’est un couloir d’une extrême importance. Large d’à peine quarante kilomètres, il voit passer 20% de la consommation mondiale de pétrole et à peu près un quart du gaz naturel liquéfié (GNL) écoulé chaque année. Le détroit est d’une importance cruciale pour les pays qui l’empruntent pour exporter leur or noir : l’Iran, l’Irak, l’Arabie saoudite, le Qatar et les Emirats arabes unis (EAU).
Ces pays n’ont pas d’alternatives pour acheminer leur pétrole ?
L’Arabie saoudite, dont la plupart des gisements se situent le long du golfe persique, a en effet construit un oléoduc d’est en ouest, débouchant sur la Mer rouge à Yanbu (visé en mai dernier par une attaque de drones revendiquée par les Houthis au Yémen, ndlr). Malheureusement, sa capacité ne dépasse pas 5 mio de barils par jour. Les EAU sont un peu dans la même situation avec un oléoduc vers le golfe d’Oman capable de transporter l’équivalent d’un million de barils par jour. Quand aux Irakiens, ils disposent d’un pipeline en direction de la Méditerrannée mais il traverse des zones de conflit et sa fiabilité n’est pas garantie. Formellement, il n’y a pas de solutions à court terme en cas de blocus.
Les Iraniens ont-ils les moyens de bloquer le transit de pétrole ?
Souvenez-vous de l’attentat contre l’USS Cole en 2000 : en mer, il est possible de porter de grands coups avec des petits moyens. La lenteur des pétroliers les expose à des attaques menées par des vedettes plus rapides, la capture du Stena Impero l’a démontré. S’ils n’ont peut-être pas les moyens militaires de fermer le détroit – ils ne disposent ni de destroyers, ni de porte-avions – voir un pétrolier couler au large des côtes iraniennes ferait réfléchir l’ensemble des acteurs de la profession. En particulier, les assureurs, à travers les primes qu’ils imposent aux transporteurs, détermineront l’avenir du transit dans cette région.
Quelle sera la conséquence d’une congestion du trafic ?
La Chine, qui dépend de ses importations de pétrole à une hauteur de 50 à 60 %, serait la première à en faire les frais. Sa consommation ne cesse d’augmenter tandis que sa production intérieure se stabilise. A l’inverse, les États-Unis, grâce aux hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste, ndlr), sont devenus auto-suffisants et exportent même du GNL. Ils accuseraient au même titre que les Européens une hausse du prix du baril, mais leur sécurité énergétique ne serait pas remise en question.
Quelle issue prédisez-vous à cette crise ?
Les plus radicaux à Washington espèrent renverser le régime en asphyxiant l’Iran. Je crains que cette stratégie ne soit vouée à l’échec : les méfaits du « Grand Satan » renforcent à l’inverse la solidarité des Iraniens derrière leur guide suprême l’ayatollah Khamenei. Elle affaiblit politiquement les Iraniens modérés qui envisageraient une ouverture du régime.
Même si l’Arabie saoudite et Israël encouragent le président américain Donald Trump à adopter une position tranchée, la sortie diplomatique n’est pas à exclure. Songeons à la crise avec la Corée du Nord, qui s’était conclue par une rencontre entre les leaders des deux pays après une escalade des tensions. Mais si l’on arraisonne des navires et abat des drones, on ne peut pas exclure que ça dégénère en conflit. Je ne sais pas comment ça va se terminer, mais j’espère une résolution pacifique.
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