Le groupuscule néonazi « Combat 18 » interdit en Allemagne
Les autorités allemandes ont également procédé, jeudi, à une série de perquisitions dans plusieurs Länder. L'interdiction de ce groupe avait été annoncée l'été dernier après l'assassinat d'un élu proréfugiés.
« L’extrémisme de droite et l’antisémitisme n’ont pas de place dans la société », expliquait jeudi un porte-parole du ministère fédéral de l’Intérieur afin de justifier l’interdiction de la branche allemande du groupuscule néonazi Combat 18. Dans le même temps, une série de perquisitions a visé jeudi des membres de ce mouvement dans plusieurs Länder, notamment en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Hesse et en Thuringe.
Cette décision n’est cependant pas une surprise. Une interdiction de Combat 18 avait été annoncée par le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer (CSU) l’été dernier, dans le sillage du meurtre de l’élu proréfugiés Walter Lübcke. Ce dernier avait été retrouvé le 2 juin dernier gisant dans une mare de sang sur la terrasse de son domicile, abattu d’une balle dans la tête. Le principal suspect, Stephan E., est un néonazi.
A l’époque, la presse allemande a rapidement fait état de liens entre Stephan E. et Combat 18, qui se voit comme la branche armée du réseau Blood & Honour. Si Blood & Honour a été interdit en 2000 en Allemagne, Combat 18 – nombre faisant référence à la place dans l’alphabet des deux lettres composant le nom d’Adolf Hitler – avait alors été épargné, les renseignements intérieurs estimant qu’il n’existait pas de structure organisée en Allemagne.
Six mois de préavis
Quant aux liens entre Stephan E. et Combat 18, ils restent difficiles à établir. Tout juste sait-on que le suspect de l’affaire Lübcke est issu de la scène néonazie de Cassel, tout comme Stanley R., l’un des hommes clés de Combat 18, et que tous deux se connaissent. Mais Stephan E. n’a pas eu des contacts qu’avec les néonazis. Ces derniers jours, on apprenait en effet que l’homme entretenait également des liens avec la branche locale de l’AfD, pour qui il a collé des affiches lors des élections en Hesse de 2018.
Quels effets peut avoir une interdiction de Combat 18 ? Pour la députée Die Linke Martina Renner, cette décision, mise en application après six longs mois de préavis, « est un coup symbolique porté à la scène d’extrême droite. Rien de plus ». C’est également ce que pense le sociologue Hendrik Puls, référent de la commission d’enquête parlementaire sur les crimes du NSU (Parti national-socialiste souterrain) en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
« Combat 18 aurait dû être interdit en 2000 dans le cadre de l’interdiction de Blood & Honour, explique-t-il à Libération. Les néonazis concernés ont en effet eu six mois pour se préparer à une interdiction. Je ne pense donc pas que la police ait pu obtenir aujourd’hui beaucoup de matériel pertinent, comme des armes à feu ou des explosifs. »
« Les menaces venues de l’extrême droite ont augmenté »
En outre, explique ce spécialiste du terrorisme d’extrême droite, « toutes les personnes qui figuraient sous le nom de Combat 18 ne sont pas concernées par l’interdiction. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, il n’y a qu’une seule personne concernée. Or, les membres du groupe de musique Oidoxie de Dortmund, qui ont été des propagandistes de Combat 18 pendant des années, n’ont pas reçu la visite de la police aujourd’hui. Il est d’ores et déjà évident qu’ils ont formé une sorte de groupe de substitution. Ce groupe s’appelle "Brothers of Honour" et sa symbolique fait référence à la fois à Combat 18 et à Blood & Honour ». De manière générale, ajoute le sociologue, « les menaces venues de l’extrême droite ont augmenté ».
C’est ce que dit également un récent rapport du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa). « Le terrorisme d’extrême droite représente une menace majeure pour l’Etat de droit, écrit la chercheuse Nele Wissmann. Avec l’assassinat de Walter Lübcke, président du district de Cassel, par un militant d’extrême droite et l’attaque en octobre d’une synagogue à Halle, c’est la première fois qu’un décideur politique est visé directement et que l’extrême droite exprime son antisémitisme dans un attentat. »
Et si le nombre de militants d’extrême droite est en baisse dans le pays, passant de 65 000 au début des années 90 à 24 100 en 2018 – « ce qui s’explique pour l’essentiel par le déclin des partis d’extrême droite tels que le NPD », écrit Nele Wissmann, le nombre de militants d’extrême droite classés comme violents a en revanche doublé presque tous les dix ans. Il y en avait 1400 en 1990, 2200 en 2000, 5600 en 2010, et on en compte désormais 12 700.
Elle conclut : « Faute de comptabilisation exhaustive et précise, on ne connaît pas précisément le nombre de victimes du terrorisme d’extrême droite entre 1949 et 2011, mais il est vraisemblablement élevé. »
>> Lire cet article sur le site de Libération.
>> Voir la publication de Nele Katharina Wissmann « Le terrorisme d’extrême droite en Allemagne. Une menace sous-estimée ? », Notes du Cerfa, n° 151, Ifri, décembre 2019 sur le site du Cerfa, Ifri.
Média
Partager