Légalisation du bitcoin en Centrafrique : l’ombre de la Russie ?
Deuxième pays le moins développé au monde, la République centrafricaine, en proie à une guerre civile depuis 2013, a annoncé ce 27 avril reconnaître le bitcoin comme monnaie légale. Une mesure « surréaliste » pour de nombreux observateurs, et qui pourrait bien profiter à la Russie pour contourner les sanctions internationales.
C’est officiel depuis ce mercredi 27 avril, la Centrafrique est le deuxième pays au monde, après le Salvador, à adopter le bitcoin comme monnaie légale. Le résultat d’un projet de loi « régissant la cryptomonnaie en République centrafricaine » voté « à l'unanimité » des députés présents à l’Assemblée nationale de Bangui, la capitale, ce jour-là. Le président Faustin-Archange Touadéra l'a promulguée. Et désormais, si vous allez glaner quelques informations sur ce pays d’Afrique centrale, coincé entre le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Soudan et le Tchad, Wikipédia vous dira que les devises officielles du pays sont le bitcoin et le franc CFA.
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ESCROQUERIE ?
Problème, la Centrafrique n’est que très peu électrifiée. Parmi 5 millions de Centrafricains, 15 % seulement ont accès à l’électricité, pour une capacité de 30 mégawatts heure. À titre de comparaison, le Sénégal a une capacité de 650 MW, la France de 500 térawatts heure. Par ailleurs, seul 4 % de la population a accès à internet. Deux paramètres pourtant essentiels pour pouvoir user du bitcoin. « Cela peut être une motivation pour développer les réseaux d'électricité et d’Internet », veut croire Philippe Herlin.
Grégory Vanel, professeur d’économie à Grenoble École de management, n’est pas dupe. Pour lui, « cette décision est purement symbolique, elle n’aura que très peu d’effets sur l’économie du pays ». Et pour cause : si l’usage du bitcoin peut permettre à la Centrafrique de s’émanciper vis-à-vis du dollar et des institutions monétaires internationales, encore faut-il que le pays dispose de bitcoins et donc arrive à en acquérir. « Or, il est aujourd’hui très compliqué de se procurer des bitcoins, et leur nombre est limité », assure l’économiste. Il existe toutefois une autre solution : le minage. Il s’agit de fournir un service au réseau de ladite monnaie en échange d'une récompense pécuniaire, en bitcoins donc. Mais pour cela, il faut un très bon réseau Internet et beaucoup d’énergie. Ce que n’a pas vraiment la Centrafrique. « Pour que tout cela fonctionne, il faudrait que les gens puissent acheter des cryptomonnaies. Or, les conditions ne sont pas réunies, approuve Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Tout cela n'a rien à voir avec l’intérêt pour la population. »
Pour quel intérêt alors ? Beaucoup de regards se tournent depuis l’annonce vers la Russie, grand allié de la Centrafrique depuis 2018. Des contrats de livraisons d’armes et de blindés à la protection du président Faustin-Archange Touadéra, Moscou fait partie des partenaires privilégiés de Bangui, si ce n’est le seul. « L’une des pistes possibles de cette adoption soudaine du bitcoin comme monnaie légale pourrait être une volonté de contourner les sanctions internationales prises contre la Russie depuis le début de la guerre », expose Thierry Vircoulon, qui penche aussi pour une tentative d’escroquerie du pouvoir centrafricain.
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