Livre international : « Pensée et culture stratégiques russes »
Depuis la chute de l'Union soviétique, la pensée stratégique russe a connu une profonde mutation, avec la théorisation du contournement de la lutte armée. Dimitri Minic, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri), est l'auteur de Pensée et culture stratégiques russes. Du contournement de la lutte armée à la guerre en Ukraine aux éditions de la Maison des sciences de l'homme. Un ouvrage fondé sur l'examen de la littérature militaire en Russie qui permet de saisir comment les russes perçoivent une guerre moderne.
Dimitri Minic analyse dans son ouvrage Pensée et culture stratégiques russes. Du contournement de la lutte armée à la guerre en Ukraine comment, depuis la chute de l’Union soviétique, les théoriciens militaires russes ont repensé le concept de guerre en l’élargissant aux moyens et méthodes non-militaires et militaires indirects.
« L’exploitation des sources militaires russes, de la littérature militaire russe, peu ou pas utilisée dans la recherche en Occident, conduit à écarter les concepts inexistants ou très marginaux dans la pensée stratégique russe et qui étaient des projections des catégories occidentales, comme la guerre hybride. Le dépouillement de ces sources montre que le phénomène, plus large, dépassait l’importance d’un concept en particulier ou d’une doctrine et était alimenté par de nombreux paramètres : débats sur l’essence de la guerre, héritage marxiste-léniniste, Guerre froide, perception de l’environnement stratégique et de la Russie, observation (fantasmatique) des stratégies et concepts occidentaux ; tout cela a contribué à l’émergence et à la théorisation du contournement. »
Pour Dimitri Minic, « la confrontation informationnelle chez les Russes n’est, dans le fond, pas une nouveauté. Ils n’ont fait que recycler un vieux tropisme psychologico-subversif, en pensant s’inspirer des Occidentaux par rapport auxquels ils pensaient être en retard. En réalité, c’était l’inverse. Les élites politico-militaires russes ont beaucoup innové avec le contournement de la lutte armée, contrairement à ce qu’ils pensent. »
Le chercheur explique qu’« On peut considérer que l’opération militaire spéciale était un coup de boutoir armé final. Mais, en réalité, ce qui était crucial dans le processus d’agression de l’Ukraine entre 2021 et 2022 étaient les actions indirectes, subversives qui, pour les stratèges russes, permettraient de provoquer l’effondrement de l’État et de l’armée ukrainiens grâce à une lutte armée finale mais limitée. Tout cela ne s’est pas passé ainsi. »
Pour Dimitri Minic, « l’opération militaire spéciale est un échec total. Elle est morte au bout de trois jours, aujourd’hui c’est une guerre qui n’a plus rien à voir avec ce qui était prévu initialement. Il en reste des critiques contre le pouvoir militaire russe, souvent indirectes, parfois très brutales. Celles-ci portent notamment la théorisation du contournement mais aussi et surtout sur les erreurs de prévision et de renseignement ».
> Retrouver l'interview dans son intégralité sur le site de RFI
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