L'Occident face au défi chinois
Le modèle occidental, hégémonique depuis la fin de la guerre froide, est maintenant contesté avec succès par la Chine, qui parvient à s'imposer comme un joueur incontournable dans un nombre croissant de pays.
La Chine inquiète de plus en plus les Occidentaux par sa puissance économique et commerciale, ses capacités technologiques, mais aussi ses ambitions géostratégiques. Les démocraties libérales se préoccupent également de l’attrait qu'exerce ce régime autoritaire sur des pays émergents, avec lesquels elle tisse de plus en plus de liens.
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La prétendue aide sans conditions des Chinois doit être nuancée, estime d'ailleurs Marc Julienne, responsable des activités Chine au Centre Asie de l’Institut français des relations internationales. C'est plutôt que ces conditions ne sont pas rendues publiques. Plein de pays pourraient se retrouver pieds et poings liés, croit-il.
Il y a notamment le cas du Tadjikistan et du Kirghizistan, en Asie centrale, qui se sont lourdement endettés auprès de la Chine dans le cadre de l’initiative des routes de la soie.
À la fin de l’année dernière, le Kirghizistan, dont la situation économique s’était détériorée à cause de la pandémie, a été sommé par ses créanciers chinois de rembourser l’argent qu’ils lui avaient prêté ou de leur céder des territoires et des ressources naturelles.
Le Kirghizistan a finalement obtenu un report de paiement temporaire, lié à de nouveaux engagements.
De plus, souligne M. Julienne, pour la Chine, les affaires politiques, technologiques, stratégiques et commerciales forment un tout. En échange des investissements, elle demande, par exemple, un accès exclusif aux marchés de télécommunications, rendant ainsi le pays dépendant de la Chine. Cela est surtout positif pour la Chine, pas pour le pays en question, remarque-t-il.
Enfin, rappelle le chercheur, les investissements et les prêts de la Chine dans des pays émergents ont chuté fortement depuis 2017 parce que certains pays sont maintenant de plus en plus méfiants.
C’est notamment le cas des nations de l’Asie du Sud, qui se sentent vulnérables face à la toute-puissance de leur voisin.
"Ils ne voient pas la Chine comme le grand sauveur qui va venir alimenter leur économie et leur apporter plein d'argent. Ils le voient aussi comme un hégémon qui peut faire pression à tout moment."
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Les Européens sont conscients, eux aussi, de l’urgence de s’opposer à l'expansionnisme chinois, soutient Marc Julienne.
"Depuis 2019, et encore plus tout au long de l'année 2020, le discours [des dirigeants européens] s’est très significativement raffermi pour dire explicitement que la Chine peut porter atteinte aux valeurs démocratiques et qu'il faut que l'Europe s'en prémunisse sur le plan politique et économique", affirme-t-il.
Le problème, note le chercheur, c'est que l’Europe a séparé les dossiers économiques des questions politiques, alors que la Chine, elle, a une stratégie globale. Elle utilise l’économie pour servir ses intérêts politiques, résume-t-il.
Les Occidentaux devraient donc avoir, eux aussi, une stratégie cohérente, pense-t-il, plutôt que, par exemple, de signer un traité sur les investissements sans rien dire sur la situation des Ouïgours.
David Shullman estime, lui aussi, que l’Europe doit être plus ferme. Or, déplore-t-il, l'accord de principe sur les investissements conclu le 30 décembre 2020 entre la Chine et l'Union européenne porte à croire que nombre de nos partenaires européens vont faire passer l'engagement économique avec la Chine avant les préoccupations en matière de droits de l'homme et de valeurs que nous partageons avec eux.
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Il ne faut pas oublier que, malgré les tentatives d'influence, et même si certains dirigeants sont attirés par un modèle autoritaire à la chinoise, les populations de bien des pays émergents sont, pour leur part, prêtes à se battre pour la démocratie, rappelle M. Julienne.
Il évoque les cas du Myanmar, de la Thaïlande ou de Hong Kong, où des milliers de personnes réclament des changements démocratiques parfois au péril de leur vie.
"C'est vrai qu'il y a des populistes dont on parle beaucoup et qui sont très puissants. Mais la démocratie est toujours bien vivante."
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