Moscou en perte d’influence auprès des pays d’Asie centrale
Les sanctions et le clivage de la communauté internationale contraignent les pays d’Asie centrale, ex-républiques socialistes soviétiques, à se positionner par rapport à la Russie et à l’Ukraine.
Ni soutien ni condamnation : telle est la position adoptée par les cinq pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizstan et Turkménistan) à l’égard de l’ancien suzerain russe et de la guerre qu’il mène en Ukraine. Fin mai, les services de sécurité du Kirghizstan (GKNB) ont porté plainte contre un ressortissant kirghiz combattant dans les rangs des forces ukrainiennes. Le mois précédent, ces mêmes services avaient averti leurs citoyens de s’abstenir d’exhiber la lettre Z, symbole de l’offensive russe, sous peine de poursuites judiciaires.
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Au-delà des symboles, les chancelleries d’Asie centrale ont toutes refusé de suivre Moscou dans sa reconnaissance, aux dépens de la souveraineté territoriale de l’Ukraine, de l’indépendance des deux républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk.
« Les pays d’Asie centrale entretiennent de bonnes relations avec l’Ukraine. Ils sont peinés par ce qui se passe », note Michaël Levystone, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et spécialiste de cette région.
Les deux régimes les plus autoritaires, le Tadjikistan et le Turkménistan, maintiennent une chape de plomb sur le sujet.
En revanche, le Kirghizstan s’est montré défiant envers Moscou, en rappelant au sujet de l’Ukraine que chaque Etat a le droit de mener la politique étrangère de son choix, une allusion à l’exigence russe d’une « neutralité » pour l’Ukraine.
« C’est un point à souligner au regard des liens de dépendance du pays envers Moscou », poursuit l’expert.
Pré carré de Moscou
Constituée d’Etats récents formés à partir des anciennes républiques soviétiques devenues indépendantes en 1991, l’Asie centrale est considérée comme le pré carré de Moscou, en particulier dans le domaine de la sécurité. La Russie s’efforce de maintenir son statut de protecteur exclusif contre le risque islamiste venant d’Afghanistan à travers des exercices militaires, l’implantation de bases militaires (Kirghizstan, Tadjikistan) et son rôle de leader de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), le pendant oriental de l’OTAN, auquel adhèrent trois pays (le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, aux côtés de la Biélorussie et de l’Arménie). Le déploiement très rapide d’un contingent de 2 000 militaires de l’OTSC durant l’insurrection de janvier dernier au Kazakhstan pour épauler le président a renforcé la réputation de Moscou comme garant de la sécurité dans la région.
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Pour M. Levystone, « la relation bilatérale Kazakhstan-Russie n’a jamais été aussi mauvaise. Noursoultan [la capitale] a coupé court aux velléités russes d’utiliser l’OTSC en Ukraine, parce que, pour le Kazakhstan, il s’agit d’une alliance défensive et non d’une force de projection sur des théâtres extérieurs. En ce qui concerne l’Union économique eurasienne [UEE, avec la Russie, la Biélorussie et le Kirghizstan – et dont l’Arménie fait également partie], c’est aussi très net : le Kazakhstan a signifié qu’il n’aidera pas la Russie à contourner les sanctions occidentales. Le pays se désolidarise complètement des Russes », explique le chercheur de l’IFRI.
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La guerre en Ukraine tire vers le haut les prix des denrées alimentaires dans toute la région. La sécurité alimentaire du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan et surtout du Turkménistan, déjà compromise par plusieurs années de sécheresse, ne fait que se dégrader.
De plus, la Russie et le Kazakhstan, les deux principaux fournisseurs de céréales d’Asie centrale, ont restreint leurs exportations jusqu’à la fin août, « ce qui est totalement contraire à l’esprit de l’Union économique eurasienne », souligne Michaël Levystone.
Ce défaut de fiabilité russe à un moment critique pourrait conduire les gouvernements locaux à accélérer la recherche d’autres partenaires, tels que la Turquie, l’Iran, l’Union européenne et les Etats-Unis.
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