Pays le plus peuplé du monde, l’Inde devient incontournable
L'Inde devient ce 14 avril le pays le plus peuplé au monde, dépassant la Chine. Décryptage avec Isabelle Saint-Mezard, enseignant-chercheur à l’Université Paris 8 et chercheur associée à l’IFRI, auteur de "Géopolitique de l’Indo-Pacifique" (PUF).
Ce 14 avril, l’Inde devient selon l’ONU, le pays le plus peuplé au monde avec 1,4 milliard d’habitants. Est-ce un atout ?
Etre le pays le plus peuplé du monde fait de l’Inde un pays incontournable, ça nourrit sa campagne pour devenir un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est aussi un pays qui a une population jeune et un potentiel économique colossal. Mais encore faut-il qu’ily ait des emplois. La croissance y est moins forte que dans la Chine des années 2000 ou 2010 et elle n’est pas tirée par l’industrie manufacturière. Le seul secteur en mesure de créer des emplois, ce sont les services mais en nombre insuffisant. Le Premier ministre Narendra Modi a beaucoup parié sur cette redynamisation de l’industrie manufacturière mais les effets ne sont pas assez massifs. Vous avez des millions de jeunes sans emploi ou sous-employés.
L’Inde est vue par les Etats-Unis comme la seule puissance qui pourrait faire contrepoids à la Chine sur le plan militaire et économique. C’est un pays courtisé par tout le monde, les Etats-Unis, l’Union européenne et la Russie. C’est un ancien et vieil ami de l’Union soviétique qui est resté proche dans deux grands secteurs : l’armement et surtout l’énergie. Les Indiens achètent énormément de pétrole et de gaz à bas prix aux Russes. On a un pays anciennement non-aligné qui ne veut pas entrer dans un système d’alliance strict mais qui veut bien parler et coopérer avec tout le monde. Résultat, chacun essaie de faire pencher les Indiens dans son sens et les Indiens en profitent.
C’est un des premiers importateurs d’armes au monde. Numériquement, l’armée indienne vient juste derrière la Chine. Et puis ce pays possède aussi l’arme nucléaire. Mais c’est une armée qui a de gros problèmes d’équipements. Par exemple, la marine a de grandes ambitions mais n’arrive pas à renouveler sa flotte, notamment ses sous-marins.
Face aux incertitudes qui pèsent sur le marché chinois, il faut nécessairement regarder vers l’Inde même si c’est un marché difficile qui demande un investissement de long terme. Mais ce sera, en 2023, une économie avec l’un des plus gros taux de croissance, autour de 5 à 6 %.
Non, pas du tout. Cette démocratie évolue de façon préoccupante. C’était un vrai modèle qui se fragilise sous l’effet, entre autres, du pouvoir de Narendra Modi depuis 2014 et de l’idéologie nationaliste hindoue qui porte une certaine islamophobie et bouscule la coexistence interconfessionnelle. Il y a une politique de favoritisme de l’hindouisme. Et puis Modi a installé un type de pouvoir à tendance autoritaire. L’Inde reste un pays démocratique avec des élections libres, du multipartisme mais la liberté d’expression et de confession y est fragilisée, de même que le système institutionnel de contre-pouvoir. - Isabelle Saint-Mezard
> Retrouvez l'entretien dans son intégralité sur le site de La Dépêche
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