« Pour la France, la coalition allemande est une très bonne nouvelle »
Le gouvernement de coalition composé des sociaux-démocrates, des Verts et des libéraux que va diriger Olaf Scholz démontre la volonté d’accompagner les évolutions de la société allemande. Une bouffée d’oxygène dans une Europe marquée par le repli sur soi.
C’est ce mercredi 8 décembre que le Bundestag a élu le social-démocrate Olaf Scholz au poste de chancelier. Une page se tourne, celle de l’ère Merkel, qui aura gouverné l’Allemagne pendant seize ans. Le vice-chancelier sortant, et ex-ministre des Finances, va diriger un gouvernement de coalition composé des sociaux-démocrates du SPD, des Verts et des libéraux du FDP. Négocié pendant deux mois, leur contrat de coalition, qui détaille sur 177 pages les grandes orientations de leur programme, a été rendu public le 24 novembre et validé par les adhérents des trois partis le week-end dernier.
Paul Maurice, chercheur au Comité d’Etudes des Relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des Relations internationales (Ifri), nous aide à décrypter ce projet ambitieux et progressiste qui va servir de boussole à nos voisins allemands pour les quatre prochaines années.
En choisissant Olaf Scholz, déjà en poste sous l’ère Merkel, comme prochain chancelier, l’Allemagne a privilégié la rupture dans la continuité…
Il est vrai que son parti, le SPD, a gouverné dix-neuf ans sur les vingt-trois dernières années. Olaf Scholz s'est lui-même présenté comme le successeur d'Angela Merkel en reproduisant le fameux losange que la chancelière avait l'habitude de former avec ses mains. On peut penser que ce qui lui a permis de gagner les élections d'une courte tête, c'est justement la prime au sortant : c'est lui qui a le plus d'expérience, qui connaît le mieux les dossiers, les différents acteurs nationaux et européens, qui a fait ses preuves. Angela Merkel a accentué cette impression de transition douce en l'invitant à participer à des sommets ces dernières semaines. Mais Olaf Scholz va devoir composer avec les Verts et les libéraux qui le poussent vers le changement.
C'est la première fois qu'une coalition de trois partis va diriger l'Allemagne. Alors que l'on s'attendait à de longues négociations, ils ont finalement mis peu de temps pour se mettre d'accord sur un programme commun... Comment ont-ils réussi à s'entendre ?
Effectivement, au niveau fédéral, c'est la première fois que trois grands partis arrivent à se mettre d'accord. Il y avait déjà eu une tentative en 2017 entre les Verts, les libéraux du FDP et les conservateurs de la CDU mais les discussions avaient échoué. Comment ont-ils réussi à s'entendre ? Plusieurs facteurs ont joué. Il y a, avant tout, la culture politique allemande du compromis. Les Allemands ont l'habitude des coalitions. Sur les 16 dernières années, les deux grands partis, les sociaux-démocrates du SPD et les conservateurs de la CDU, ont gouverné trois fois ensemble. Or, il y avait plus de points de divergence entre la CDU et le SPD qu'entre les Verts, les sociodémocrates et les libéraux. Dans cette nouvelle coalition, ceux qui avaient les dissensions les plus fortes étaient les Verts et les libéraux. Mais le soir des élections, ils ont tout de suite dit : nous allons discuter entre nous pour désamorcer les sujets de dissension. Il y avait une volonté de s'entendre. Par ailleurs, un contrat de coalition reste une feuille de route, ce n'est pas un programme de gouvernement que l'on va appliquer à la lettre. Donc il peut y avoir des points de tension dont les modalités d'application sont laissées pour plus tard. La situation a aussi changé par rapport à 2017. A l'époque, ce sont les libéraux qui avaient fait échouer la négociation, peut-être parce qu'ils n'étaient plus représentés depuis 2013 au Bundestag et n'avaient donc pas d'experts suffisamment rôdés pour savoir mener une négociation. Entre-temps, ils ont gagné cette expertise dans les coalitions auxquelles ils ont participé à l'échelle des Länder, où on a vu plusieurs alliances tripartites faire leur apparition pour contrer l'extrême droite qui s'enracinait. Volker Wissing, le secrétaire général des libéraux du FDP, faisait ainsi partie d'une coalition « feu tricolore » (SPD, Verts, FDP) en Rhénanie-Palatinat dirigée par le SPD. Il sait comment ça fonctionne. Enfin, je dirais qu'il y a aussi une question de volonté : si on veut gouverner, on y arrive.
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