Projet de loi sur les énergies renouvelables : pourquoi ce texte est décevant
Adopté par l’Assemblée nationale, le projet de loi d’« accélération des énergies renouvelables » ne permettra pas à la France de rattraper son retard en la matière. Explications.
Le vote s’annonçait serré. Après une panne technique qui a retardé le scrutin, le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables a finalement été adopté par l’Assemblée nationale, ce mardi 10 janvier, par 286 voix contre 238. Une bonne nouvelle pour le climat ? L’exécutif, qui mise sur ce texte pour que la France rattrape son retard en la matière (et pour verdir son image par la même occasion), en est persuadé. Ce qui frappe, pourtant, à la lecture du projet de loi, c’est bien le peu d’avancées réelles qu’il contient.
Ce texte avait un objectif : réduire les délais d’installation des projets éoliens et photovoltaïques, afin qu’ils soient déployés plus rapidement. Là réside en effet l’une des principales faiblesses de la France : il faut, par exemple, compter aujourd’hui cinq à sept ans pour réaliser un projet éolien terrestre, contre trois à quatre ans en Allemagne. Résultat, les énergies renouvelables (ENR) – éolien, solaire, bois, hydraulique – ne représentent que 19,3 % de notre consommation finale brute d’énergie, loin de l’objectif fixé à 23 % que nous aurions dû atteindre en 2020.
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« Le retard français va perdurer »
Comment expliquer ce manque d’ambition ? Chercheur associé au Centre Energie et Climat de l’Institut français des Relations internationales (Ifri), Cédric Philibert (auteur de « Eoliennes, pourquoi tant de haine ? », à paraître le 2 mars 2023, éd. Les Petits Matins) a suivi attentivement l’ensemble des débats. Il n’a pas vraiment été surpris par les tentatives « navrantes » de la droite et de l’extrême droite d’affaiblir le texte, tant elles font depuis des années de leur opposition aux ENR un marqueur politique fort. Il s’étonne, en revanche, de la frilosité de la gauche sur le sujet.
« Au nom de la défense de la biodiversité notamment, insoumis et écologistes ont poussé en faveur d’un encadrement très strict des ENR, et en particulier du photovoltaïque. »
« On aurait pu penser que la crise énergétique, les fortes tensions sur le système électrique, et la lutte contre le changement climatique poussent les députés à un esprit de responsabilité sur le sujet, abonde Andreas Rüdinger. Mais cela n’a pas été le cas. Le retard français va donc perdurer. » Avec des conséquences pour le climat et le pouvoir d’achat.
Les énergies renouvelables étant les seules à pouvoir être déployées dans les quinze prochaines années (les nouveaux réacteurs nucléaires ne produiront pas d’électricité avant 2037, au plus tôt), ce « rendez-vous manqué » va ralentir encore un peu plus notre sortie des énergies fossiles, « en nous obligeant à des imports de gaz, qui auraient pu être économisés dans les secteurs de la chaleur et de l’électricité », rappelle le chercheur de l’Iddri. Ce qui signifie, concrètement, des émissions de CO2 supplémentaires et, dans un contexte d’explosion des prix de l’électricité et de gaz, un coût financier non négligeable. Rien que pour l’année 2022, ces imports ont représenté une perte d’environ 6 à 9 milliards d’euros…
> article disponible sur l'OBS
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