Relations UE-Afrique : le coût de la guerre russe en Ukraine
Il y a un an, les pays africains réunis à Bruxelles appelaient l’Union européenne à faire une mise à jour : moins de bureaucratie, plus d’investissements. 12 mois plus tard, où en est-on ? (...) L’offensive russe lancée, le 24 février 2022, en Ukraine, et le bouleversement qu’elle provoque sur le continent fait-elle passer l’Afrique au second plan ? Quelle stratégie l’Europe a-t-elle pour le maintien de la sécurité en Afrique, alors qu’en Centrafrique, au Mali et, maintenant, au Burkina Faso, les forces françaises sont priées de quitter le pays ?
Léa-Lisa Westerhoff reçoit San Bilal, chargé des questions économiques pour le Centre européen de gestion des politiques de développement spécialisé sur l’Afrique; Pierrette Herzberger-Fofana député vert et vice présidente de la Commission du développement au Parlement européen; Carlos Lopes, économiste et professeur à l’Université du Cap en Afrique du Sud et Alain Antil, directeur du Centre Afrique subsaharienne à l'IFRI.
« C’est un message assez contradictoire qui nous vient souvent d’Afrique subsaharienne puisque on a un message premier qui dit « les solutions africaines, pour les problèmes africains ». Et en même temps aujourd’hui il y a beaucoup de voix en Afrique pour s’élever contre le soutien massif des Européens à la guerre en Ukraine. Donc on est face à cette contradiction. Par exemple, les pays du Sahel reprochent actuellement aux Européens et à la France, en particulier, de ne pas livrer assez d’armes alors qu’ils voient des chars lourds, des canons Caesar et un grand nombre de matériel, être livrés en Ukraine. Donc il y a un sentiment d’abandon ou de relégation. » explique Alain Antil, directeur du Centre Afrique subsaharienne de l'IFRI.
« Il y a une demande très forte, dans certains pays africains, de la part de la population, des opinions publiques, d’un retrait de soldats étrangers et en particulier, français, en ce qui concerne les pays sahéliens. Il y a un reproche qui est contradictoire. A la fois, il y a une espèce de déception, qu’il y ait des piètres résultats. En tout cas c’est perçu comme ça. Et il y a aussi une espèce de réflexion sur un Etat post-colonial, où les français sont encore là et où il faut rompre définitivement pour obtenir une indépendance. Donc on est vraiment dans une bifurcation historique en ce moment au Sahel, où on va avoir une rupture très franche avec le partenaire français. Aujourd’hui, dans l’exécutif français, il y a une grande réflexion sur la future posture militaire française, en Afrique subsaharienne. Le président Macron quand il a commandé cette reflexion, a dit que toutes les options étaient possibles et que toutes les options étaient sur la table. Y compris un retrait massif et des fermetures de bases. Il y a une espèce de croisée des chemins. » souligne-t-il.
« Je crois qu’il ne faudrait pas en rester à une opposition, entre développement et approche sécuritaire, car je pense que c’est un faux débat. D’abord, la première chose qu’il faut rappeler, c’est que l’aide au développement, dans certains cas, a alimenté les tensions dans certains terroirs. Parce qu’elle s’évapore, elle va dans certaines poches profondes, comme on l’a vu au Sahel. Et elle peut être un moteur de frustrations sociales, donc opposer développement et approche sécuritaire n’est pas satisfaisant pour expliquer la situation. La deuxième chose, c’est les organisations créées par les pays africains. Je pense notamment au G5 Sahel qui n’a pas tenu toutes ses promesses. On le sait bien mais le G5 Sahel est une organisation de développement qui était censée apporter un peu de sécurité. Et qui devait surtout drainer, coordonner les différentes aides venues de tous les partenaires et pas seulement européens pour rationaliser et prioriser les projets notamment le long des espaces frontaliers et des marges étatiques. Donc il y a ces aspects. Et puis le troisième problème, c’est qu’il est très difficile de faire des actions de développement, qu'elles soient extérieures à l’Etat ou promues par l’Etat, dans des zones où il n’y a plus de sécurité et où on ne peut pas déployer de personnel. Et enfin, quand on regarde la trajectoire de chacun des pays. Je travaille actuellement sur la politique anti-terroriste du Niger, par exemple. La politique anti-terroriste du Niger ne peut pas être résumé, simplement à une réponse sécuritaire, car il y a eu des réformes juridiques, il y a eu des médiations qui ont été mises en place, il y a eu une tentative de réponse à certaines demandes, de certaines populations marginalisées. Donc il y a tout une mécanique institutionnelle qui s’est mise en place, avec les moyens du Niger et ses partenaires mais elle ne peut être résumée à une réponse sécuritaire uniquement. » détaille Alain Antil.
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