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Une armée française en transition défile ce 14 juillet

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Alors qu’elle va réduire sa présence au Sahel, l’armée française se prépare à des conflits de haute intensité, exigeants et certainement plus meurtriers.

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Pourquoi le général Thierry Burkhard, le futur chef d’état-major des armées, est-il convaincu que l’armée française « doit changer d’échelle » ​ ?
« Changement d’échelle dans les menaces à prendre en compte ; changement d’échelle dans le niveau des unités qui sont engagées ; et donc, changement d’échelle dans nos entraînements »​, précisait-il devant la Commission de la défense de l’Assemblée nationale, en octobre 2020.
Sa réponse est sans ambiguïté : la France doit se préparer à de probables engagements de haute intensité. L’armée française de l’après-chute du Mur de Berlin n’a en effet connu que des conflits asymétriques, dans le cadre d’opérations de maintien de la paix, dans celui de la contre-guérilla ou de la lutte antiterroriste. Des opérations de combat d’où, par exemple, les menaces air-air et sol-air étaient absentes, ce qui a facilité les opérations aériennes d’appui des troupes au sol, les missions ISR (Intelligence, surveillance, reconnaissance) et le ravitaillement par air.
Seule l’opération Harmattan contre la Libye du colonel Kadhafi (en 2011) pourrait faire figure d’exception puisque l’armée de l’Air a dû affronter des menaces air-air et sol-air et que les missions d’aérocombat menées par des hélicoptères depuis les bâtiments amphibies ont été entravées par l’artillerie antiaérienne.

Pourquoi le retour de la haute intensité ?
Les raisons ne manquent pas. Les tensions entre grandes puissances (Chine, Russie et USA) sont indéniables et la course aux armements a repris. Des puissances moyennes (l’Iran, la Corée du Nord) pourraient provoquer des confrontations classiques entre armées conventionnelles. Enfin des conflits dans des États en crise (Syrie, Ukraine, Haut Karabakh) voient la mise en œuvre massive de moyens symétriques (aviation de combat, artillerie, chars de bataille, drones…).
La haute intensité a quatre caractéristiques majeures. D’abord, elle est remarquable par son ampleur et par la quantité de forces déployées. Son haut niveau de violence implique, par ailleurs, de lourdes pertes : ainsi, en Estonie, pendant l’exercice SpringStorm (mai 2021), une force blindée franco-britannique a perdu 70 % de ses capacités humaines et matérielles en une matinée. La haute intensité se caractérise aussi par son caractère multinational, avec les atouts mais aussi les contraintes et les fragilités qu’entraîne la configuration coalisée. Enfin, il faut considérer un impact très important sur le territoire national, tant en termes de sécurité que par la mise en place d’une forme « d’économie de guerre »​, touchant les secteurs nécessaires au soutien de l’engagement (armement, transport, santé, information…).

L’armée française est-elle prête pour la haute intensité ?
« Pas encore »​, reconnaît le général Burkhard ? Peut-être en 2023, lorsqu’aura lieu sur le territoire métropolitain l’exercice Orion . L’armée de Terre déploiera alors entre 5 000 et 7 000 militaires pendant quatre mois. Sur les terrains de manœuvre de Suippes, Mailly et Mourmelon, Orion impliquera toute la gamme des capacités militaires à une échelle qui n’a pas été testée depuis des décennies.
« Oui, mais… » ​ajoutent les Américains. Un récent rapport de la Rand Corporation estime que « la France est prête pour une guerre mais pas pour une guerre longue »​. En effet, les forces américaines disposeront, en cas de conflit sur le théâtre européen, d’un allié français sûr et robuste, rompu à l’interopérabilité. Mais les ressources humaines et matérielles des armées françaises s’épuiseront certainement très vite en cas d’engagement dans un conflit conventionnel mais de haute intensité où les pertes sont élevées et la consommation de matériel très importante. C’est bien là le défi prépondérant que pose la haute intensité : comment soutenir un rythme élevé d’opérations de combat et comment durer en cas de conflit majeur ? Tenir… Plus de 15 jours ? Un mois ? Tenir le temps d’emporter la décision avec nos partenaires de l’Otan ?

Une problématique universelle
Ce défi n’est pas uniquement français. Nos alliés y font face. En particulier les États-Unis dont les forces cumulées en font la plus formidable armée au monde. Mais leurs vulnérabilités sont bien réelles. L’US Navy, par exemple, se demande comment elle pourra faire face dans le Pacifique à une marine et à une aéronavale chinoises en expansion permanente. La Navy s’interroge particulièrement sur ses capacités à réparer des bâtiments endommagés au combat. Des capacités qu’elle ne possède plus en propre pour beaucoup, ses marins étant surtout capables d’effectuer des opérations de maintenance de routine. L’US Navy est en effet très dépendante des chantiers privés et des entreprises commerciales pour le MCO (maintien en condition opérationnelle) et les entretiens majeurs.

Massifier les forces
Changer d’échelle signifie-t-il disposer de plus de moyens humains et matériels pour faire face à une attrition sans commune mesure avec celle des conflits passés ?
« Oui il en faut, car dans un conflit de haute intensité, nous avons besoin d’une masse plus importante »​, assurait le général Burkhard devant les députés en octobre 2020. Or, cette masse qui existait pendant la Guerre froide a été réduite. En 1991, l’armée française disposait de 1 349 chars de bataille, de 696 avions de combat et de 41 grands bâtiments de surface ; trente ans plus tard, elle ne dispose plus que de 222 chars, 254 avions et 19 grands bâtiments ! Il faut donc équiper les forces avec davantage de chars, d’avions et de navires de premier rang.

En outre, « pour tenir dans la durée, l’armée de Terre devra […] être capable de régénérer à la fois ses effectifs, ses matériels et ses stocks »​, estiment les chercheurs de l’IFRI Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant et Michel Pesqueur dans leur étude de juin sur « La masse dans les armées françaises : un défi pour la haute intensité »​.


Mais aligner un arsenal plus conséquent et disposer d’une réserve stratégique en hommes, en équipements et en munitions a un coût. Il faut donc envisager une augmentation du budget des Armées, à moins de diminuer les coûts d’acquisition et d’utilisation.

Le choix de la haute technologie
Faut-il aussi apprendre à se passer des matériels onéreux, tant à l’achat et à l’entretien, et à revenir à des technologies meilleur marché ? Le général Lecointre, le chef d’état-major des armées partant, déclarait en juillet 2020 : « Je n’oppose pas la haute technicité à la masse, ni la technicité d’une armée à la rusticité d’une autre ; il faut les deux »​. Effectivement, il faut des chars, des missiles et des hélicoptères en nombre suffisant pour tenir le choc initial en cas de déflagration conventionnelle et pour durer. Mais les combattants français doivent aussi compter sur des drones et des satellites, et sur l’intelligence artificielle pour frapper plus vite, plus loin et plus efficacement. Ces choix budgétaires ne relèvent pas de décisions militaires mais bien politiques.
S’interroger sur la haute intensité, « c’est raisonner sur l’affrontement le plus dangereux et le plus dimensionnant, celui qui nécessite le plus haut degré de mobilisation politique, industrielle et humaine »​, avertissait en 2019 le colonel Fabrice Clée du Centre de doctrine et d’enseignement du commandement. « C’est un scénario dont personne aujourd’hui ne se risque plus à dire qu’il est improbable, et il est donc essentiel de s’y préparer. »

 

>> Retrouver l'article sur Ouest France

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