Visite de Macron en Chine : contrats, climat...quels sont les enjeux ?
Réchauffement climatique, signature de contrats, déséquilibre commercial, "nouvelles routes de la Soie": les deux pays ont de nombreux points à aborder. Emmanuel Macron – "Makelong" en mandarin, soit "le cheval vainc le dragon" – quitte Paris ce dimanche pour une visite de trois jours en Chine, afin de nouer une relation personnelle avec son homologue Xi Jinping et de construire une alliance sur des dossiers comme l'environnement, la lutte antiterroriste, la Corée ou la Syrie.
Le président français espère aussi annoncer à Pékin une cinquantaine d'accords et de contrats. Accompagné de son épouse Brigitte, très populaire en Chine, il emmène plus de 50 chefs d'entreprise, dont ceux d'AccorHotels, LVMH, Airbus, Areva, Safran, BNP Paribas ou Safran.
Cette visite d'Etat sera la première d'un dirigeant européen depuis le congrès du Parti communiste chinois, qui a encore renforcé en octobre la stature du président Xi Jinping.
Le réchauffement climatique parmi les dossiers phares
Pékin s'est réjoui qu'Emmanuel Macron ait choisi la Chine pour son premier déplacement en Asie. "Nous espérons que la visite aidera à renforcer la confiance politique mutuelle et la communication stratégique entre les deux parties", a déclaré mardi le ministère chinois des Affaires étrangères.
Le président français est bien connu des Chinois pour son histoire d'amour avec son épouse Brigitte. Leur différence d'âge a fait sensation dans un pays où les hommes ont plutôt tendance à convoler avec des femmes nettement plus jeunes.
Le but du voyage est autant économique que diplomatique. L'un des dossiers phare devrait être la lutte contre le réchauffement climatique où la Chine, premier pollueur mondial mais aussi premier investisseur dans les énergies propres, joue un rôle clé depuis la décision américaine de quitter l'accord de Paris, explique l'Elysée, qui souhaite un coleadership mondial avec la Chine dans ce dossier. La France compte aussi évoquer la crise avec la Corée du Nord où elle pourrait jouer un rôle de médiateur.
Rééquilibrage commercial souhaité
Sur le plan économique, Emmanuel Macron devrait plaider pour un rééquilibrage des relations commerciales. C'est avec la Chine, 2e fournisseur et 8e client, que la France enregistre son plus important déficit commercial, soit 30 milliards d'euros.
Paris pourrait conclure des ventes d'Airbus et de moteurs Safran, d'une usine de retraitement des déchets radiocactifs ou encore de maisons de retraite. La France espère aussi un accès plus ouvert pour ses exportations agricoles ou ses réseaux bancaires.
Des accords devraient aussi être conclus dans les domaines du patrimoine, avec le projet d'un Centre Pompidou provisoire à Shanghai, dans l'intelligence artificielle et les villes durables.
Sur le plan stratégique, Emmanuel Macron espère en particulier obtenir l'appui de Pékin à la force militaire du G5 Sahel, après avoir obtenu celui de Washington.
Le chef de l'Etat a choisi de commencer sa visite à Xi'An, berceau de la civilisation chinoise, où il ira visiter la célèbre armée enterrée de l'empereur Qinshi Huangdi. Mardi et mercredi à Pékin, il se rendra à la Cité interdite ainsi qu'à l'Académie des sciences spatiales, et tiendra une conférence de presse avec le président chinois.
Demande de réciprocité sur l'ouverture des marchés
Le sujet le plus délicat devrait être la volonté de l'UE de renforcer le contrôle des investissements stratégiques par les groupes non européens.
"L'intention de la France n'est pas de barrer la route à la Chine", a assuré jeudi le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. "Mais il convient d'établir un partenariat fondé sur la réciprocité en matière d'ouverture des marchés. [...] Nos interlocuteurs chinois préfèrent le mot 'gagnant-gagnant'. Pourquoi pas, à condition que ce ne soit pas le même qui soit deux fois gagnant", a-t-il averti.
Pékin attend de son côté que la France clarifie la position de l'Europe sur son monumental programme des nouvelles routes de la Soie, un gigantesque programme d'infrastructures – routes, ports, voies ferrées – entre Europe et Chine. Ce projet colossal prévoit la construction de routes, ports, lignes de chemin de fer et parcs industriels dans 65 pays représentant 60% de la population et environ le tiers du PIB mondial, pour plus de 1.000 milliards de dollars.
Pour "le gouvernement chinois, c'est à la fois un projet de diplomatie économique, de communication et de gouvernance mondiale", explique Alice Ekman, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Cet expansionnisme et la détermination avec laquelle Pékin s'est mis à l'ouvrage "ont fait naître de profondes fractures au sein de l'Europe", note Bogdan Goralczyk, directeur du Centre de l'Europe à Varsovie et ancien ambassadeur en Asie.
"Routes de la soie" : la France et l'Allemagne prudentes
Dans les pays de l'Europe centrale et orientale, c'est l'enthousiasme qui prime face aux investissements chinois. "Certains considèrent l'éveil de la Chine et de l'Asie comme une menace, nous y voyons une opportunité énorme", a déclaré le Premier ministre souverainiste hongrois Viktor Orban lors d'un sommet qui a réuni fin novembre à Budapest la Chine et 16 pays d'Europe centrale, orientale et balkanique, membres ou non de l'UE.
A cette occasion, Pékin a annoncé l'octroi de près de 3 milliards d'euros pour des projets, comme la construction d'une ligne de chemin de fer entre Belgrade et Budapest.
En Europe occidentale en revanche, certaines capitales, notamment dans les pays du nord, ne cachent pas leur inquiétude. Les nouvelles routes de la soie, "une formule sexy pour cacher une ambition de domination mondiale?", s'interroge un diplomate occidental de haut rang.
"Compte tenu de l'étendue du projet chinois, et du flou qui continue à l'entourer, plusieurs pays européens, dont la France et l'Allemagne, font preuve de prudence. Ils s'interrogent notamment sur les conséquences géostratégiques de ce projet sur le long terme", souligne Alice Ekman.
Revoir l'article sur Nouvelobs.com
Média
Partager