Corée du Nord : le retour en grâce d'un rogue state ?
Contre toute attente, la Corée du Nord paraît décidée à suivre les engagements de dénucléarisation de la Péninsule coréenne pris dans le cadre de la Déclaration conjointe du 19 septembre 2005.
La première séquence de cet accord, qui consistait à arrêter le réacteur de Yongbyon et à placer l'ensemble des installations de ce site sous scellés, a été réalisée. Les États-Unis ont de leur côté procédé, comme convenu, à la restitution des avoirs nord-coréens bloqués à la Banque Delta Asia de Macao. La seconde séquence, qui vient d'être entamée, implique la neutralisation de toutes les installations nucléaires nord-coréennes existantes, dont en priorité le site de Yongbyon, et la fourniture, d'ici la fin de l'année 2007, de la liste complète des programmes nucléaires de Pyongyang.
Cette seconde séquence est de loin la plus délicate mais n'a pu être réalisée dans les délais requis, en dépit de l'intérêt évident du leadership nord-coréen à être rayé par les États-Unis de la liste des États terroristes et du ' Trading with the Ennemy Act ' qui conditionnent l'éligibilité de Pyongyang aux prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.
Vers un début de 'normalisation' des relations Washington/Pyongyang
Ce retard de la Corée du Nord a suscité un début de désapointement des partenaires du Dialogue à six - Chine, États-Unis, Corée du Nord, Corée du Sud, Japon et Russie - même si Christopher Hill, sous-secrétaire d'État américain chargé des négociations avec la Corée du Nord, a lancé un appel à la patience. L'empressement à accélérer le processus était pourtant perceptible fin décembre du côté de Washington, à en juger par les nombreux déplacement de Christopher Hill en Asie du Nord. La visite hautement symbolique de ce dernier le 4 décembre 2007 sur le site de Yongbyon tendait même à prouver que la Corée du Nord et les États-Unis n'avaient désormais plus rien à se cacher. Le président Bush lui-même n'avait pas hésité à écrire une lettre au dirigeant nord-coréen en s'adressant à lui en ces termes : ' Dear Mr. Chairman '.
Ce ton inhabituel ne pouvait que souligner la nouvelle orientation des relations entre les deux anciens ennemis et, à tout le moins, être interprété comme les prémices d'une normalisation.
La crise nord-coréenne paraît pourtant loin d'être résolue. Des zones d'ombre demeurent, notamment l'état du programme de recherche sur la filière d'enrichissement d'uranium, les programmes balistique et chimique nord-coréens où les soupçons de coopération nucléaire entre la Corée du Nord et la Syrie.
Une alliance de revers Pyongyang-Washington contre la Chine ?
Sur le fond, une interrogation majeure persiste : Pyongyang est-il réellement prêt à abandonner le statut d'État nucléaire qu'il a ouvertement revendiqué en se livrant à un essai le 6 octobre 2006 ? Il semblerait que jusqu'à présent, la stratégie de Kim Jong Il ait consisté à obtenir des États-Unis un statut plus ou moins analogue à celui du Pakistan, pays avec lequel Pyongyang possède par ailleurs des connexions ambiguës. Islamabad, frappé d'ostracisme par la communauté internationale pour avoir bravé l'interdit nucléaire en 1998, puis en raison du coup d'État du général Moucharraf en 1999, est en effet redevenu bien vite fréquentable en 2001 à la faveur de la lutte contre le terrorisme.
Reste à savoir quelle convergence d'intérêt pourrait lier Pyongyang et Washington aussi fortement que les États-Unis au Pakistan. Que le président Bush soit en quête d'un succès diplomatique aisé à obtenir pour faire oublier les difficultés de son Administration dans la gestion des dossiers irakien et iranien semble un fait acquis. Il semblerait toutefois que Pyongyang cherche à monnayer autre chose. On remarquera que la Chine donne l'impression d'avoir quelque peu perdu l'initiative dans son rôle de médiateur attitré entre la Corée du Nord et les États-Unis. Les relations entre Pyongyang et Washington se sont en effet fortement ' bilatéralisées ', mettant de côté le mécanisme des Pourparlers à six tandis que les relations intercoréennes connaissaient une nouvelle dynamique après le Sommet entre les dirigeants des deux pays début octobre.
Kim Jong Il chercherait-il à créer une alliance de revers ? Habile à jouer l'un contre l'autre, le leader nord-coréen n'a pas craint en effet de proposer la signature d'un traité de paix à ' trois ' avec Washington et Séoul, mettant ainsi ostensiblement la Chine hors jeu…
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