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Les midterms de novembre: quelle défaite pour Obama ?

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Les midterms de novembre: quelle défaite pour Obama?
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Le 2 novembre 2010 ont lieu les élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Les 435 membres de la Chambre des représentants et un tiers des sénateurs remettent leur siège en jeu, ainsi que cette année, 39 des gouverneurs des 50 Etats.

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Le parti démocrate détient pour l’instant la majorité à la Chambre (255 Démocrates pour 178 Républicains et 2 sièges vacants) et au Sénat (57 Démocrates et deux Indépendants sur 100 sénateurs). Mais la plupart des instituts de sondages prédisent une défaite du parti du président, qui perdrait certainement la chambre basse et peut-être -mais ceci est l’objet de débats-, la chambre haute.

On se souvient pourtant de la vague d’enthousiasme qui avait accueilli l’élection du président Obama en novembre 2008, après 8 ans d’administration Bush. On se souvient de la foule sur le Mall, lors de l’inauguration en janvier 2009. Vu d’Europe, où le président Obama a été et reste particulièrement populaire, on se demande avec stupéfaction comment il en est arrivé à la situation actuelle.

Cette question est d’autant plus brûlante que ces élections ont un enjeu important : elles vont mettre en scène les deux années à venir et le paysage des élections présidentielles de 2012 ; elles définiront en partie le rôle qu’y joueront les Tea Parties, ce mouvement conservateur apparu ces deux dernières années. Les sites d’information politique tels que Politico évoquent aussi le projet qu’ont certains Républicains de lancer de multiples commissions d’enquête sur les agissements de l’administration Obama, bloquant totalement les possibilités d’action du gouvernement[1]. On se rappelle les nombreuses attaques menées contre le président Clinton, culminant avec une procédure d’impeachement pendant son second mandat. Une victoire des Républicains cette année les mettrait en position de recommencer l’exercice.

Pourquoi Obama a déçu

Une première explication des prévisions électorales peu encourageantes pour le parti démocrate tient à la mécanique politique traditionnelle des Etats-Unis. Le parti du président perd toujours des sièges lors des élections de mi-mandat. C’est une constante de la vie politique américaine[2]. De plus, lors des précédentes élections législatives (2006 et 2008), les Démocrates avaient bénéficié d’un fort effet positif, du fait de l’impopularité de l’administration Bush. Il y aurait maintenant un retour à la normale.

Mais une cause conjoncturelle considérable tient à la situation économique, qui vient en premier dans les préoccupations des Américains. Le chômage est évalué à 9,6% par les organismes officiels -qui ne comptabilisent plus les chômeurs arrivés en fin de droit et sous-évaluent donc la gravité de la situation. De tels taux sont inédits aux Etats-Unis depuis la Grande Dépression. Bien que les problèmes financiers et économiques aient débutés avant son arrivée au pouvoir, le président en porte le blâme. Il est accusé de ne s’être pas exclusivement consacré à les résoudre.

Les réformes importantes en termes d’assurance santé et de régulation financière, venant après un plan de relance ambitieux qui a, selon le gouvernement, contribué à sauver ou créer 8 millions d’emplois[3], constituent un bilan appréciable, en tout cas vu d’Europe. Mais ces politiques révèlent peut-être un malentendu. Il faut en effet se demander si l’équipe présidentielle ne s’est pas trompée dans son interprétation de l’élection de 2008. Elle a pu penser que la victoire de Barack Obama signalait la volonté du peuple américain de passer à un mode de fonctionnement similaire à celui des social-démocraties occidentales. Or, il n’en est rien. Les Américains restent opposés au big government que renforcent à leur sens les réformes récentes.

Tout aussi important, on pointe un certain nombre d’erreurs tactiques dans l’action présidentielle depuis deux ans. La Maison Blanche aurait été trop en retrait pendant les négociations sur la réforme de santé, par exemple. Le président, si bon orateur pendant sa campagne, ne serait plus assez présent dans le débat politique, ses équipes ne se montreraient pas assez agressives dans le combat politicien. Cette attitude doit être rattachée à la volonté qu’avait exprimée le président de passer à un mode de fonctionnement bipartisan à Washington, fondé sur la recherche de compromis avec les Républicains. Cette volonté, aujourd’hui qualifiée de naïve, n’a eu aucun succès face à un parti républicain intransigeant. Les concessions offertes aux membres conservateurs du Congrès ont presque toutes été rejetées.

Enfin, une série de reproches sont adressés plus directement à la personne du président. On lui reproche par exemple de renvoyer l’image d’une certaine froideur, et d’être souvent trop lent dans sa prise de décision. On avait dû attendre plusieurs mois avant de connaître sa décision sur l’Afghanistan à l’automne 2009, par exemple. Plus récemment, son absence de réaction immédiate après le début de la marée noire dans le Golfe du Mexique lui a été fort reprochée. S’y ajoute le grief du choix d’une équipe de conseillers quasiment tous venus de l’administration Clinton, perçus comme trop intellectuels et sans expérience directe du monde de l’entreprise.

Des Républicains intraitables

Profitant des premières failles dans la perception de l’administration démocrate, les Républicains ont relevé la tête dans le débat public dès la fin du printemps 2009. Leur attitude a été dictée par le sentiment d"une menace venue à la fois de leur gauche et de leur droite.

Les Républicains ont eu peur, tout d’abord, d’une victoire durable des Démocrates. Le dernier président démocrate élu dans l’enthousiasme en temps de crise, Roosevelt, avait donné le pouvoir à son parti pour 20 ans[4]. Par ailleurs, le Census Bureau américain annonce que les minorités vont devenir majoritaires dans le pays d’ici trente ans. Or, cette population vote traditionnellement plus pour les Démocrates. Les Républicains voient donc leur base électorale se réduire. Leur choix tactique au début 2009 a été de se démarquer et de refuser tout dialogue avec le parti vainqueur.

De l’autre côté, les Républicains voient la cohérence de leur message menacée par l’émergence du mouvement des Tea Parties, aux positions si conservatrices. La plupart des candidats républicains ont donc choisi de coller aux Tea Parties en radicalisant leur propre discours.

A l’automne 2010, on voit ainsi s’opposer un parti républicain très agressif et un parti démocrate que l’on sent plutôt en retrait et peu sûr de lui. On constate d’ailleurs que la base du parti démocrate est démobilisée au point, par exemple, de ne pas pouvoir contrer des rumeurs absurdes qui font du président un musulman (selon 18% des sondés[5]) ou un natif du Kenya (pour 27% des sondés[6]).

L’autorité des thèmes conservateurs

Dans un article de la New York Review of Books, Michael Tomasky s"interroge sur les raisons de ces différences si frappantes dans l’attitude des deux grands partis[7]. Il explique que, depuis les années 1980, les seuls grands mots d’ordre politiques légitimes aux Etats-Unis sont ceux que revendiquent les conservateurs : liberty et freedom, qui sont constamment mentionnés dans leurs discours. Ces thèmes sont présentés comme les " vraies valeurs de l’Amérique " justifiant les politiques qu’ils défendent et sur lesquelles ils sont beaucoup moins bavards dans le détail.

Côté démocrate, les mots-clefs idéologiques principaux, tels que compassionjustice ou community sont dévalorisés. Les acteurs progressistes évitent de les utiliser et s’expriment presque exclusivement sur le contenu de leurs projets politiques. Ils ne peuvent donc pas appuyer leurs propositions sur de grandes idées qui s’inscriraient dans la philosophie politique du moment. D’où cette impuissance à reprendre le dessus dans le débat politique.

On en arrive à une situation où un politique qui ne fonderait pas son action sur les " grandes valeurs de liberté " est dénoncé comme agissant activement contre le pays. La situation était déjà la même dans les années 2001-2003, lorsque les rares personnalités publiques qui osaient s’opposer au projet de guerre en Irak se voyaient taxer d’antipatriotisme, voire de trahison envers la nation.

Il faut donc conclure de cette situation que les Etats-Unis ne sont toujours pas sortis de cette grande phase conservatrice entamée à la fin des années 1960, qui a connu un premier âge d’or sous Reagan puis un autre sous G. W. Bush, et dont la fin avait été annoncée un peu vite, lors de l’élection du président Obama.

Mais cet état de fait est devenu plus inquiétant aujourd’hui. Compte-tenu de l’éclatement des médias, entre les multiples chaînes de télévision câblées, radios et sites Internet, ces derniers doivent, pour conserver leur public, lui servir des opinions politiques toujours plus radicales, qui polarisent toujours plus le débat public. Il n’est plus évident de trouver un lien fédérateur aux Etats-Unis et le fonctionnement traditionnel des institutions et de la démocratie s’en trouve affecté.

Une lueur d’espoir pour les Démocrates ?

A la veille des élections, le président et son parti peuvent néanmoins entrevoir quelques raisons d’espérer. D’une part, certains sondages leur accordent des taux d’approbation plus positifs ce dernier mois. Le Pew Research Center montre par exemple que les leaders républicains du Congrès ont un taux d’approbation de 24% contre 30% pour leurs homologues démocrates[8]. Le président a pour sa part des taux d’approbation stabilisés autour de 47%[9]. Enfin, les Démocrates gardent en général des taux d’approbation plus élevés que les Républicains lorsque les sondés sont interrogés sur des politiques sectorielles précises.

Ensuite, l’activisme des Tea Parties n’est pas forcément bon pour les Républicains d"un point de vue électoral. Certains candidats républicains recherchant l’approbation des Tea Parties expriment des positions très radicales. La candidate au poste de sénateur du Nevada, Sharron Angle, s’oppose par exemple à toutes les formes d’avortement sans exception. Une telle position pourrait faciliter l’élection de son opposant démocrate Harry Reid.

Enfin, si ces éléments positifs pour les Démocrates ne trouvent pas leur confirmation le 2 novembre prochain, et que les deux chambres basculent du côté républicain, on pourrait voir se dérouler un scénario " à la Clinton ". Elu en 1992, le démocrate de Little Rock avait perdu les deux chambres en 1994. Les Républicains, menés par Newt Gingrich à la Chambre des représentants, s’étaient rendus si impopulaires que l’essentiel des problèmes du pays leur avait été imputé pendant les deux années suivantes. Bill Clinton fut réélu en 1996. A bon entendeur…



[1] Glenn Thrush, " GOP Plans Wave of White House Probes ", Politico, 27 Août 2010.
[2] Les deux seules exceptions ont été les élections de mi-mandat de 1934 sous Roosevelt, pendant la grande dépression, puis celles de 2002 sous Bush fils, juste après le 11 septembre.
[3] Jann S. Wenner, " Obama in Command : The Rolling Stone Interview ", Rolling Stone, 28 septembre 2010.
[4] A Roosevelt élu en 1932 a succédé le démocrate Harry Truman en 1945, puis le républicain Eisenhower élu en 1952.
[5] Pew Research Center, 21 juillet-5 août 2010.
[6] CNN, août 2010.
[7] Michael Tomasky, " How Bad for Democrats ? ", The New York Review of Books, 28 octobre 2010.
[8] Pew Research Center/National Journal, 30 septembre - 3 octobre 2010.
[9] Rasmussen Reports, Presidential Approval Index, 12 octobre 2010.

 

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Laurence NARDON

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Les travaux de l’Ifri sur la région des Amériques concernent principalement les États-Unis, fournissant des clés de compréhension sur la politique intérieure et la société américaines afin de mieux appréhender les évolutions de la politique étrangère et de défense du pays ainsi les questions transatlantiques et commerciales. Un axe spécifique sur l’Amérique latine créé en 2023 permet de structurer une recherche plus active sur cette région. Un axe de recherche sur le Canada a été actif en 2015 et en 2016, dont les archives restent accessibles.

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