Les petits réacteurs modulaires dans le monde : perspectives géopolitiques, technologiques, industrielles et énergétiques
Les retards et surcoûts des projets occidentaux dans le nucléaire civil sont en train de conforter un duopole russo-chinois sur les exportations de réacteurs de troisième et quatrième génération. Dans ce contexte, des petits réacteurs modulaires (Small and Modular Reactors - SMR) connaissent un regain d’intérêt et sont développés par de nombreux acteurs, allant principalement des entreprises d’État russes et chinoises à une multitude de start-up nord-américaines.
Ces réacteurs de petite taille aux ingénieries intégrées et standardisées pourraient être produits de façon modulaire en usine et leur installation nécessiterait beaucoup moins de travaux d’ingénierie civile, offrant ainsi des perspectives importantes en matière de réductions de coûts et de durée de construction. Les usines de production devront néanmoins être rentabilisées par un carnet de commandes fourni pour que les entreprises du secteur profitent pleinement des avantages du concept. Cela va demander de ne pas multiplier outre-mesure les différentes versions d’un même modèle et éventuellement un effort de standardisation et de normalisation internationales en matière de pièces utilisées.
La possibilité de construire par paliers une centrale de production permettrait un retour sur investissement plus rapide et une diminution des coûts de financement. De plus, la facilité d’installation, sur terre mais aussi sur barge, permet aux SMR d’être localisés sur des sites avec peu d’infrastructures, tels que les îles, les communautés isolées, les mines ou même des pays en voie de développement où le réseau électrique est encore peu étendu. Il s’agit là de marchés où le nucléaire est pour le moment inexistant.
À ce stade, il n’y a aucun prototype industriel en fonctionnement dans le monde pour la production d’électricité de réseau. La compétitivité des SMR vis-à-vis des réacteurs de forte puissance pour de tels usages sera déterminée de la même façon que pour la production d’électricité, à savoir : est-ce que le volume de ventes sera suffisant pour que l’économie d’échelle par le nombre fasse plus que compenser le rapport défavorable lié à la taille ?
Les SMR ne sont pas donc pas encore, à ce stade, des concurrents des réacteurs de grande taille. Ils comportent un certain nombre de caractéristiques qui, si elles sont démontrées, pourraient permettre d’envisager des coûts futurs compétitifs grâce à la standardisation, la facilité d’installation et un recours plus important à des composants de grande série. Mais aussi, des caractéristiques de sûreté intrinsèques potentiellement plus favorables.
Le gouvernement américain s’est lancé dans une véritable course pour les petits réacteurs modulaires afin de concurrencer le quasi duopole russe et chinois et s’appuie sur de nombreuses start up. Les années 2025-2030, avec l’arrivée attendue sur les réseaux de premières unités, apparaissent comme un moment charnière pour l’évaluation concrète de la compétitivité des réacteurs à eau légère sous cette forme.
Alors que cette nouvelle génération de technologie nucléaire apparaît comme une des rares options crédibles pour réaliser la décarbonation de nombreux secteurs économiques, les acteurs français sont plutôt en retard dans le domaine des SMR : le seul concept proposé, à eau pressurisée, ne devrait pas voir le jour avant 2030, au risque d’arriver une fois la concurrence déjà bien établie. Si la France souhaite avoir sa place sur ce nouveau segment nucléaire, qui pourrait bien représenter l’avenir de cette industrie, elle devra accélérer pour assurer une forte continuité industrielle et identifier des partenaires crédibles avec lesquels partager les coûts de développement. Et s’assurer d’un haut niveau de standardisation.
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