COP28 : l'objectif en trompe-l'oeil d'un triplement des capacités des énergies renouvelables
Sultan Ahmed Al Jaber, le président critiqué de la COP28, espère en faire un succès diplomatique grâce à l'obtention d'un accord sur le triplement des capacités mondiales des énergies renouvelables d'ici à 2030. Si un tel accord serait historique, une déclaration d'intention ne suffit pas, préviennent des experts du climat. Pour espérer une réelle mise en œuvre, l'objectif doit être musclé sur les plans réglementaire et financier pour accompagner les pays en développement. Surtout, il ne doit pas occulter un autre enjeu crucial pour le climat : l'arrêt des investissements dans de nouveaux projets d'énergies fossiles.
C'est sur cette casquette, beaucoup plus consensuelle, que Sultan Ahmed Al Jaber entend miser pour faire de la COP28 un succès diplomatique. Le patron de l'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) espère, en effet, décrocher un accord international sur le triplement des capacités mondiales d'énergies renouvelables et un doublement de l'efficacité énergétique à l'horizon 2030.
Un objectif consensuel et atteignable
Cet accord s'appuierait sur celui déjà conclu lors du G20 à New Delhi, plus tôt cette année. Jusqu'à présent, plus de 60 pays ont adhéré à l'objectif. Le triplement des capacités des énergies renouvelables correspond notamment aux recommandations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui estime que cela permettrait d'éviter l'émission de 7 milliards de tonnes de CO2 d'ici à 2030.
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Vers un accord historique...
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La question du financement ne doit pas non plus être négligée, notamment pour les pays en voie de développement, qui font face à une flambée des taux d'intérêt, renchérissant le coût du capital. « Des fonds et des garanties spécifiques doivent être mis en place », juge la spécialiste. « Cet objectif de triplement, pour qu'il soit un bon objectif, doit tenir compte de la réalité dans les pays émergents et en développement », prévient-elle.
« Et, curieusement, dans leur déclaration conjointe, les Etats-Unis et la Chine ont omis de reprendre l'objectif de doubler l'efficacité énergétique », relève, pour sa part, Thibaud Voïta, qui rappelle que cet objectif figurait déjà parmi les 17 objectifs de développement durable (ODD), fixés en 2015 pour l'horizon 2030 et qu'il est loin d'être atteint.
... qui pourrait faire de l'ombre à un autre enjeu crucial
Surtout, un accord sur les énergies renouvelables pourrait détourner l'attention d'un enjeu crucial pour endiguer le réchauffement climatique à 1,5°C : mettre fin aux nouveaux investissements dans les énergies fossiles, alors que 80% du mix énergétique mondial repose encore sur le charbon, le gaz et le pétrole. Un pourcentage qui n'a faibli que d'un seul point depuis 20 ans, malgré les investissements colossaux dans les champs solaires et éoliens.
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« On parle du triplement des capacités, mais pas de la place des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. Or, nous avons des pays comme la Chine, qui augmentent à la fois ses capacités en énergies renouvelables de manière unique au monde, avec une augmentation de 230 GW en 2023, mais qui continue aussi à délivrer des autorisations pour construire des centrales thermiques au charbon, avec 152 GW autorisés depuis 2022 », constate Thibaud Voïta.
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La sortie des énergies fossiles, l'impossible accord ?
Or, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, l'objectif de triplement des énergies renouvelables n'aurait un réel impact que s'il était accompagné d'une déclaration sur la disparition progressive des énergies fossiles, estime Thibaud Voïta. Mais l'obtention d'un tel accord dans le cadre de la COP28, semble extrêmement difficile tant les positions sont divergentes. « Tandis que l'Europe et les petits Etats insulaire, dont l'existence est menacée par la montée des eaux, sont favorables à un narratif très fort qui appelle à "l'élimination" progressive des énergies fossiles, d'autres acteurs comme la Chine, l'Inde, les Etats-Unis et les pays du golf privilégient "une réduction" progressive des énergies fossiles, qui n'arriverait que d'ici 2030, voire plus tard pour certains pays », résume-t-il.
Or, l'Union européenne apparaît particulièrement isolée cette année dans les négociations, d'après le chercheur. En cause, selon lui, le départ de Frans Timmermans, « star du climat » de la vice-présidence de la Commission européenne ou encore les récentes marches-arrière du Royaume-Uni, jusqu'ici considéré comme un allier, sur les politiques climatiques.
Par ailleurs, les récentes révélations de la BBC, montrant que Sultan Al Jaber aurait profiter de sa fonction de président de COP pour faire avancer ses affaires pétro-gazières avec plusieurs gouvernements étrangers, ne font que renforcer les doutes sur la réelle volonté des Emirats de faire avancer les négociations sur cet enjeu crucial.
> à lire en intégralité dans la Tribune
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