« La France doit assumer un rôle moteur dans la sécurité climatique en Océanie »
Malgré une rivalité accrue des grandes puissances dans la région, le sommet des ministres de la défense du Pacifique Sud, qui se tient du 4 au 6 décembre à Nouméa, doit rester focalisé sur la lutte contre les effets du changement climatique.
Après les visites ministérielles en Nouvelle-Calédonie, fin novembre, de Gérald Darmanin et de Bruno Le Maire, consacrées à l’avenir institutionnel de l’archipel et au devenir de sa filière nickel, c’est le ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui se rend sur le Caillou, le 4 décembre, pour présider le sommet des ministres de la défense du Pacifique Sud (SPDMM).
Le SPDMM, qui fête ses dix ans cette année, est peu connu. C’est pourtant une instance de dialogue et de coordination unique en son genre, réunissant l’Australie, le Chili, les Fidji, la France, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Tonga, ainsi que trois observateurs : les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. Les autorités de défense y renforcent leur coordination en matière d’opérations humanitaires et post-catastrophes naturelles (HADR), alors que les phénomènes météorologiques extrêmes s’intensifient dans la région sous l’effet du changement climatique.
Ce cadre permet notamment de rationaliser le calendrier des grands exercices d’entraînement HADR dans le Pacifique Sud, dont font partie les manœuvres multinationales « Croix du Sud » et « Marara », conduites respectivement par les forces armées en Nouvelle-Calédonie et les forces armées en Polynésie française.
La France apporte en effet une contribution originale et significative au SPDMM sur la problématique climat-défense et à travers la participation active de ses forces prépositionnées à la coopération régionale.
Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.Paris se coordonne depuis 1992 au sein de l’accord Franz avec ses partenaires australiens et néo-zélandais pour fournir un soutien HADR aux pays de la région. Avec les Etats-Unis, ce groupement forme le « Pacific Quad », qui assiste les Etats océaniens dans la surveillance de leurs zones économiques exclusives et lutte contre la surpêche.
L’appel de Macron
La France est, par ailleurs, le seul pays européen à pouvoir contribuer de manière significative à la sécurité du Pacifique Sud, grâce à ses 2 800 militaires postés de manière permanente dans la région. L’accueil par la France du SPDMM s’inscrit dans la démarche définie par le président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa tournée dans le Pacifique, en juillet. Au cours de cette visite, il a resserré la stratégie indo-pacifique française en Océanie autour de trois axes : la promotion du multilatéralisme, la coopération en matière de sécurité et de défense, et le changement climatique. Des domaines où la France peut revendiquer une légitimité en raison de son expérience et de son expertise.
En outre, l’Agence française de développement s’est engagée à allouer 200 millions d’euros au Pacifique d’ici à 2027 pour son adaptation au changement climatique, soit un financement cinq fois plus important que le plan quinquennal précédent (mais qui reste modeste en comparaison des montants distribués par l’Australie ou les Etats-Unis).
Légitimité et efficacité
En effet, l’influence grandissante de la Chine dans le Pacifique Sud, symbolisée par le surendettement de plusieurs Etats insulaires à son égard et la conclusion d’un traité de sécurité avec les îles Salomon, en mars 2022, a fini par alarmer les Etats-Unis, et leurs alliés et partenaires, qui ont à leur tour réinvesti la zone.
Dans pareil contexte, le SPDMM doit s’atteler à maintenir légitimité et efficacité. D’abord, en se maintenant à distance de la compétition des puissances, en restant focalisé sur les questions de sécurité transversale et de renforcement des capacités, tout en respectant le « Pacific Way ». La lutte contre les effets du changement climatique doit ainsi rester la priorité du SPDMM, selon les termes de la Déclaration de Boe de 2018 et la Stratégie pour le Pacifique bleu à l’horizon 2050 qui doit guider l’intégration régionale dans les prochaines décennies.
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Céline Pajon est chercheuse, responsable des activités Japon et coordinatrice du programme Océanie au Centre Asie-Indopacifique de l’Ifri.
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