« La France doit travailler son imaginaire pour penser différemment le monde »
Deux ans après la publication de L’affolement du monde, Thomas Gomart revient avec Guerres invisibles (Tallandier, 2021). Intelligence artificielle, énergies, conquête de l’espace, cyberattaques… Bienvenue dans ces batailles bien réelles, qui ne relèvent plus du tout de la science-fiction.
Causeur. La troisième guerre mondiale a-t-elle commencé ?
Thomas Gomart. Les guerres invisibles ont commencé, mais l’expression troisième guerre mondiale renvoie trop à l’imaginaire des deux précédentes. La conflictualité change de forme et de nature. Je ne décris pas un horizon d’attente en ce sens mais une situation dans laquelle nous sommes et qui, si elle est conflictuelle, n’est en rien comparable aux deux guerres mondiales.
Vous évoquez 24 guerres invisibles, notamment spatiale, écologique, terroriste mais aussi financière ou électronique. À quel moment ces guerres s’imbriquent-elles ?
J’ai repris la classification établie par deux auteurs chinois dans La Guerre hors limites, traduit en 2003 en français. Près de 20 ans après, la Chine a ravi à l’Union Européenne la deuxième place sur la scène internationale et convoite ouvertement la première. Ces guerres invisibles, nous y sommes. Elles correspondent à la manière dont la Chine conçoit la conflictualité, et ses conséquences pour les Européens.
Il s’agit de réconcilier un imaginaire illimité avec des moyens limités. Cela permettrait sans doute à la France de sortir de l’ornière identitaire
Les stratèges chinois disent que les militaires ont perdu le monopole de la guerre. Cela ne signifie pas que les militaires ne comptent plus. Au contraire, cela traduit un enchevêtrement des registres militaire, technologique, financier, informationnel… Des combinaisons, invisibles en première approche, sont en train de modifier, aussi rapidement que profondément, les rapports de force globaux. Un exemple parmi d’autres : le contrôle des moyens de paiement, indissociable de la mise en œuvre de sanctions économiques.
La crise sanitaire actuelle participe-t-elle de ces guerres invisibles ?
Elle illustre parfaitement la diplomatie sanitaire dans laquelle la Chine, le Japon, Taïwan ou la Corée du sud ont investi depuis belle lurette. Pour des raisons tenant à leur situation, ces acteurs n’ont jamais négligé la forte probabilité de pandémies mondiales quand les élites européennes pensaient être prémunies contre ce type de risques à l’abri de leurs dispositifs hospitaliers. On connaît la suite. De ce point de vue, cette crise agit comme un révélateur des capacités et défaillances à la fois globales et nationales. C’est une leçon pour la crise sanitaire aujourd’hui et environnementale demain.
ustement, en quoi l’écologie est-elle objet de conflit ?
Nous sommes face à la convergence de deux tendances. La première, c’est la dégradation environnementale, à travers le réchauffement climatique notamment. La deuxième, c’est la propagation technologique. Il existe une doxa selon laquelle c’est par la technologie qu’on va résoudre les problèmes environnementaux. En réalité, ce que nous avons du mal à accepter, c’est que nos capacités de transformation du réel soient bien supérieures à nos capacités d’anticipation des conséquences de cette transformation du réel.
[...]
> Lire le texte intégral de l'entretien sur Causeur.fr
Média
Partager