Les discours trompeurs de Jean-Marc Jancovici
Figure médiatique du débat sur la transition énérgétique, cet ingénieur très critique sur les renouvelables et pronucléaire n'hésite pas à tordre les faits pour défendre ses idées.
Ingénieur, consultant, enseignant, vulgarisateur, militant, Jean-Marc Jancovici, 61 ans cette année, est devenu en France une figure incontournable dans les discussions sur la transistion énergétique et une voix influente.
Il est polytechnicien, a contribué à la méthodologie permettant de déterminer le bilan carbone des acteurs économiques, a cofondé le cabinet de conseil Carbone 4, est membre du Haut Conseil pour le climat [...]. Son audience va désormais très au delà des chefs d'entreprises qui l'invitent, des parlementaires qui l'auditionnent, des jeunes et des étudiants en école d'ingénieurs qui suivent ses cours et relaient ses vidéos en ligne, des citoyens impliqués qui le lisent. Son message, qu'il assène comme s'il était aussi indiscutable que les lois de la physique, peut se résumer en deux idées forces. La première est que la menace climatique se double d'une crise plus immédiate des ressources sur lesquelles repose tout notre système économique : les énergies fossiles, en voie avancée d'épuisement.
[...]
La deuxième idée-force porte sur les réponse au constat. Il faut, d'une part, organiser la sobriété pour sortir sans trop de casse de l'impasse des fossiles. D'autre part, pour ce qui nous reste de besoins énergétiques à couvrir, un déploiment massif du nucléaire est incontournable, vu les limites physiques des autres moyens décarbonés. [...] Le nucléaire est pour Jancovici " un amortisseur de la décroissance ".
[...]
Vision mécaniste
Mais pourquoi faire si grand cas d’un non-sujet ? Stéphane His fait un rapprochement avec le mouvement technocratique américain né dans les années 1930, dont le géologue pétrolier Marion King Hubbert - le « père fondateur » des théories du peak oil - fut l’une des principales figures. Ce courant porté par des ingénieurs et des techniciens a dénoncé très tôt un système capitaliste qui sapait les bases mêmes de sa richesse : la nature. Et préconisé d’organiser (et de redistribuer) l’économie à partir de la réalité du monde physique et de ses limites.
Cette « République des ingénieurs », dont le rapport au Club de Rome est un héritage, a eu le grand mérite de pousser à intégrer l’environnement dans l’équation économique. Mais avec la tentation de faire de la réalité physique un déterminant strict des phénomènes socio-économiques, et partant l’arbitre suprême de la décision politique. Jean-Marc Jancovici établit ainsi, telle une loi physique, une relation rigide entre niveau de richesse mesuré par le PIB et consommation d’énergie. « La réalité, rappelle Stéphane His, est que la quantité d’énergie nécessaire
pour produire une unité de PIB n’a cessé de décliner depuis une cinquantaine d’années au niveau mondial. »
De la part de l'ingénieur, cette sous-estimation du progrès technique est fascinante, commente Cédric Philibert, chercheur associé au Centre énergie et climat de l'Ifri.
Il n’y a pas de discussion sur le fait que ce découplage est très insufïïsant et Jancovici a certainement raison d’insister sur la sobriété. Des trajectoires « zéro émission nette » en 2050 misant surtout sur les technologies et peu sur les comportements sont certes des paris possibles, comme l’a montré l’Ademe dans le cas de la France.
[...]
500 000 É0LIENNES
Est-il dès lors bien raisonnable de ne dire que du mal de ces leviers ? D’induire en erreur le public avec des « règles de trois » pseudo-démonstratives ? S’agissant de l’empreinte au sol
de ces sources diffuses, Jancovici écrit par exemple dans sa BD que pour couvrir les besoins énergétiques de la France avec des éoliennes, il faudrait en mettre une tous les kilomètres
(page 127), soit 500 000 mâts.
S'agissant de l'empreinte au sol de ces sources diffuses, Jancovici écrit par exemple dans sa BD que pour couvrir les besoins énergétique de la France avec des éoliennes, il faudrait en mettre une tous les kilomètres (page 127), soit 500 000 mâts. Calcul en apparence exact mais en réalité mensonger, rapelle Cédric Philibert dans un livre à paraître.
Calcul en apparence exact mais en réalité mensonger, rappelle Cédric Philibert dans un livre à paraître. Ce chiffre repose en effet sur la consommation d’éner gie primaire de ces dernières années, environ 3 000 TWh, mais qui comprend de considérables pertes de chaleur dans les centrales électriques, nucléaires ou fossiles. La France décarbonée
de 2050 aura en fait besoin de 930 TWh d’énergie finale, dont 55 % d’électricité (scénario RTE).
[...]
> A lire en intégralité sur Alternative Economiques (réservé aux abonnés)
Média
Partager