Soutenir la croissance, limiter les émissions: la Chine est-elle un modèle en matière de politique climatique ?
La Chine a connu pendant les trente dernières années une croissance sans précédent qui lui a permis de se hisser en 2010 comme deuxième puissance économique mondiale, devant le Japon et derrière les États-Unis. Naturellement, une telle croissance n’est pas sans poser de nombreux défis et questionnements. La consommation énergétique du pays constitue l’un des problèmes les plus pressants.
La croissance chinoise est gourmande en énergie : d’une part, le pays a besoin de ressources pour faire tourner ses usines. D’autre part, au fur et à mesure qu’elle s’enrichit, la population chinoise adopte des modes de consommation nécessitant de plus en plus d’énergie. En conséquence, les besoins du pays ont été multipliés par quatre en trente ans (voir graphique 1). Une telle évolution a naturellement des conséquences économiques et politiques considérables. Cette consommation énergétique croissante vient fragiliser l’économie chinoise : le pays doit faire appel à des exportations massives et doit sécuriser ses approvisionnements. Il est aussi vulnérable aux variations du prix du pétrole. En outre, la Chine est confrontée aux défis du changement climatique : à la fin des années 2000, le pays émettait plus de CO2 que les États-Unis et le Canada ensemble avec une augmentation de 171 % par rapport à l’année 2000. Enfin, cette consommation intensive en énergie génère des pressions environnementales et sanitaires qui elles-mêmes mettent en péril la stabilité sociale nationale.
Certes, on peut espérer que la consommation en énergie et les émissions de gaz à effet de serre atteignent un pic avant de se stabiliser dans les prochaines décennies grâce à la saturation du marché des produits à consommation en énergie intensive, aux ralentissements de l’urbanisation et des exportations. Même si ces prévisions se vérifient, comment la Chine pourra-t-elle continuer à nourrir sa croissance et à assouvir la soif de consommation de ses nouvelles classes aisées ?
Au-delà des solutions technologiques (recours massif aux énergies non fossiles, promotion de l’efficacité énergétique), Beijing a dû adapter sa politique économique afin de répondre au mieux à la demande énergétique du pays ; sans pour autant prendre le risque de porter atteinte à la croissance économique. Beijing a ainsi su mettre ses politiques de lutte contre le changement climatique au service de sa politique industrielle. L’objectif est d’évoluer vers une low carbon economy, transition qui doit permettre à la fois d’économiser de l’énergie et des gaz à effet de serre. Cela n’est possible qu’à travers une restructuration de l’économie dans son ensemble : il s’agit d’accélérer le rattrapage technologique national pour parvenir à une croissance moins dépendante des industries lourdes, à plus forte valeur ajoutée. L’objectif de ce papier est donc de voir comment la Chine a su adapter sa politique économique aux défis du changement climatique, sans pour autant perdre comme objectif final la croissance économique du pays. Nous nous attarderons d’abord à décrire les principales caractéristiques du système politique de décision chinois en matière de politique industrielle et énergétique : à savoir d’une part l’articulation entre le pouvoir central et les localités ; d’autre part, la complexité des processus de décision au niveau central. Puis, nous verrons comment ce système s’est adapté pour intégrer des politiques de lutte contre le changement climatique et les mettre au service de la politique industrielle nationale. Enfin, nous nous attarderons sur plusieurs études de cas afin d’évaluer à partir de projets concrets l’efficacité de ce système et voir si l’on peut parler d’un modèle politique chinois en matière de politique de lutte contre le changement climatique.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Soutenir la croissance, limiter les émissions: la Chine est-elle un modèle en matière de politique climatique ?
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesMulti-alignement et de-risking. Les réponses du Sud global à la fragmentation du monde
Les turbulences et les conflits menacent la stabilité de l’ordre mondial. Quelle est la réaction du Sud global face à ces risques ?
Les ports allemands face à la Chine. Comment concilier ouverture, résilience et sécurité ?
Tributaire de ses ports pour la bonne marche de son modèle économique ouvert, l’Allemagne a profité de la mondialisation au cours des dernières décennies, lorsque l’internationalisation de ses chaînes de valeur a renforcé sa compétitivité. Au regard du durcissement géopolitique, les vulnérabilités de la première puissance économique européenne se font jour.
Farm Bill 2024 : les raisons du blocage de la loi agricole aux États-Unis
À rebours de l’image très libérale de l’économie américaine, le secteur agricole bénéficie aux États-Unis d’un interventionnisme fédéral solide depuis les années 1930. L’effondrement des prix agricoles à la suite de la crise de 1929 avait en effet plongé les farmers américains dans la misère et justifié le passage du Agriculture Adjustment Act dans le cadre du New Deal, dès mai 1933. Depuis, la loi agricole est renouvelée tous les cinq ans.
Climat, finance, géopolitique. Les illusions des hommes, les défis de l'Europe
La combinaison de tensions géopolitiques, du dérèglement du climat et d’une finance occupant une part croissante dans l’économie nous entraîne sur des terrains inconnus. Jusqu’à une période récente, chacun de ces sujets était abordé séparément. Désormais, ils sont indissociables, à la fois par leur gravité mais aussi parce que tous trois révèlent l’ampleur des illusions des hommes.