Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement birman, fait peu de cas de ses titres iconiques. La transition politique à laquelle elle a consacré sa vie est en danger. « Allons-nous la soutenir ou allons-nous contribuer à redonner les clefs du pays à l’Armée qui a déjà refusé en 1990 le verdict des urnes ? », demande Sophie Boisseau du Rocher.

Des législatives ont lieu dimanche dans ce pays où pendant de longues années, on n'a pas voté... Entretien avec la chercheuse Sophie Boisseau du Rocher.

Des élections se tiennent le 8 novembre 2020 en Birmanie. Il s’agit de renouveler le Parlement et les Assemblées régionales. Ce rendez-vous électoral est présenté comme le deuxième scrutin libre depuis le départ de la junte qui a contrôlé le pays pendant un demi-siècle.

La communauté Rohingya reste cantonnée au Bangladesh, de peur de rentrer en Birmanie. Sophie Boisseau du Rocher appelle à une mobilisation pour aider Aung San Suu Kyi à garantir les droits de ces musulmans apatrides.

Les médias occidentaux, notamment français, sont partisans quand ils lâchent leur verdict sans même avoir pris le temps d’analyser le discours d’Aung San Suu Kyi ou de faire un détour par l’histoire, pourtant nécessaire, pour comprendre la complexité d’un parcours national heurté. Aung San Suu Kyi a décidé d’aller elle-même défendre devant la Cour internationale de Justice la cause de son pays accusé de génocide ; l’approche gambienne fait glisser les accusations de l’armée et de ses chefs vers la responsable de l’exécutif.

Sophie Boisseau du Rocher, chercheur associé au Centre Asie de l'Ifri, spécialiste de l'Asie du Sud-Est offre son analyse de l'actuelle crise que traverse la Birmanie.

Depuis fin août, plus de 400 000 Rohingyas ont fui la Birmanie pour rejoindre le Bangladesh. Va-t-on vers une internationalisation du conflit qui « déborde » déjà des frontières régionales sud-asiatiques ? Y a-t-il un risque d'instrumentalisation de la situation par les organisations djihadistes ?

Le cap des 350.000 musulmans Rohingyas réfugiés au Bangladesh pour fuir les violences a été franchi. L’ONU évoque ce qui semble être un exemple classique de nettoyage ethnique. Que veut l’armée birmane ? Aung Saan Suu Kyi, à la tête de l’Etat birman est-elle impuissante ou indifférente ?

Qui peut intervenir dans le drame des Rohingyas en Birmanie ? L’avis de Sophie Boisseau du Rocher, chercheur associé au Centre Asie de l’Ifri.

«Aung San Suu Kyi joue gros [dans le processus de paix en Birmanie], relève Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse au Centre Asie à l’IFRI (Institut français des relations internationales), tant la situation reste complexe sur le terrain. Sa seule bonne foi et son sourire n’y suffiront pas. Et puis, cette réunion risque de constituer pour elle une épreuve du feu, d’autant plus critique que les caméras du monde entier sont présentes et que le secrétaire général de l’ONU assistera à certaines négociations», dit encore l’experte.